David Gestetner, le précurseur de la bureautique moderne

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À la fin du 19e siècle, alors que la transcription des documents se fait encore laborieusement à la main, David Gestetner crée le premier duplicateur pochoir qui permet, pour la première fois, la multiplication des copies. Il assure ainsi la reproduction de documents par un moyen rapide d’impression. Cette invention s’inscrit dans la seconde phase de la révolution industrielle occidentale. Avec Gestetner commence la longue histoire des innovateurs de l’industrie du matériel de bureau.

David Gestetner est né en 1854 dans une famille juive, dans le village de Csorna en Hongrie. Jeune, il commence à travailler à la bourse de Vienne. L’une de ses tâches consiste à faire à la main de nombreuses copies des résultats boursiers en fin de journée. Cela l’amène à réfléchir à une meilleure méthode de reproduction de documents. Cherchant une alternative au papier carbone ne permettant qu’un nombre limité de copies, après plusieurs expériences, il tente l’utilisation d’un pochoir : une plaque de métal découpée sur laquelle on passe de l’encre pour dessiner ou inscrire. Ainsi, il invente le premier duplicateur de bureau qui permet de faire des copies de documents rapidement et à peu de frais.

En 1875, David Gestetner immigre aux Etats-Unis et s’installe à New-York. Il emprunte de l’argent pour démarrer une entreprise consistant à colporter des cerfs-volants dans les rues de la ville venteuse. Quand il commence à peindre des cerfs-volants en papier ciré japonais manufacturé, il remarque que l’encre se propage dans la minceur du papier.

Puis Gestetner déménage définitivement à Londres. En 1881, il crée sa société, la Gestetner Cyclograph Company pour produire des pochoirs, stylets, encre, rouleaux, etc. Il fait breveter son invention le "cyclostyle" (du grec kiklos, cercle et stilus, plume) : une plume qui se termine non par un bec mais par une petite roue dentée placée perpendiculairement à l’axe de la plume. Il est utilisé sur la surface lisse d’une feuille de fer étamé ou de zinc montée sur un bloc de bois contenu dans l’appareil complet de duplication mis sur le marché par Gestetner. Cette invention devient un succès international.

La société Gestetner grandit rapidement. Gestetner met aussitôt sur pied une chaîne de magasins qui vend ses produits et services. Au cours des années, il développe son invention. Il place le pochoir sur un tambour tournant dans lequel l’encre a été placée. Le tambour en tournant propage l’encre par la force centrifuge. Le système permet non seulement de dupliquer des documents manuscrits mais également dactylographiés, créant ainsi des exemplaires imprimés semblables à des journaux et des livres.

Toutefois, le succès du procédé est assuré par la seconde innovation majeure de l’Autrichien (brevetée aux États-Unis en 1885) : l’utilisation d’une fibre de bambou aisément perforable, le papier japonais Takamatsu – dont l’une des faces est enduite de paraffine. La nouvelle machine peut maintenant faire 30 copies par minute.

En 1888, Gestetner fait une nouvelle innovation consistant à placer obliquement la roue dentée de la plume plutôt que perpendiculairement à l’axe. Cette modification rend possible l’usage de la plume dans une position normalement inclinée pour écrire plutôt que de la tenir verticalement sur le papier.

Gestetner perfectionne encore la méthode utilisée du pochoir : une fine feuille de papier (à l’origine papier pour cerfs-volants) enduite de cire ou de paraffine (le stencil), sur laquelle on écrit avec un stylet. L’encre traverse le pochoir à l’aide d’un rouleau à encre et laisse son empreinte sur la feuille de papier blanc en dessous du pochoir. On répète le procédé jusqu’à obtenir suffisamment d’exemplaires. Gestetner nomme lui-même cette version perfectionnée de sa machine le « Neocyclostyle Duplicating Apparatus » dont la surface rugueuse comme une lime a été améliorée et sur laquelle un papier est placé de sorte qu’en écrivant dessus avec un stylet, le papier est perforé par dessous. Désormais, le duplicopieur est capable de copier un document en moins d’une minute.

Le gain en commodité et en confort améliore immédiatement l’efficacité du "Neo-cyclostyle", machine qui peut reproduire jusqu’à six copies par minute avec un stencil pouvant imprimer jusqu’à deux mille copies. L’appareil produit une image plus nette et plus propre, véritable processus d’impression.

Le Neo-cyclostyle est toutefois rapidement modifié pour être utilisé d’abord par une machine fonctionnant automatiquement, réalisée par Gestetner en 1891, puis par une machine rotative à un ou deux cylindres, créée à la fin des années 1890.

En1909, alors que depuis plus de 20 ans, les copies se font manuellement, cette année-là, le premier duplicopieur électrique est mis en vente.

Durant les années 20, la société Gestetner Ltd s’implante dans plus de 80 pays.

En 1929, Gestetner Duplicateurs devient une société cotée à la Bourse de Londres.

En 1939, à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale, David Gestetner meurt mais ses fils continuent d’administrer la société.

Après sa mort, grâce à ses fils, la société familiale ne cesse de se développer. Même pendant la Seconde Guerre Mondiale, la propagande clandestine de la résistance française est imprimée sur des duplicopieurs Gestetner. Le Général américain Dwight D. Eisenhower et le Premier ministre britannique Winston Churchill possèdent leurs propres machines qu’ils utilisent afin de maintenir le secret défense des plans alliés. Ceux du débarquement sont imprimés grâce à cette machine. Le Général Eisenhower aurait déclaré : "Nous ne pourrions pas avoir gagné la guerre sans Gestetner."

Aujourd’hui encore, la bureautique Gestetner est synonyme de performance et qualité. Une partie de la société a été rachetée par la firme japonaise Ricoh qui produit des photocopieurs numériques couleurs haute définition. Technologie oblige.

Durant sa vie, David Gestetner fut un juif pieux qui consacra son temps libre aux activités communautaires.


Israel Magazine / Noémie Grynberg 2007