Dan Zaslavsky, développeur de la « tour énergétique »

Zaslavsky

Aujourd’hui professeur émérite et doyen à la Faculté de génie agricole du Technion de Haïfa, Dan Zaslavsky a servi entre 1983 et 1985 comme expert scientifique en chef au Ministère israélien de l’Énergie et de l’Infrastructure. Il a ensuite été nommé Commissaire pour l’eau de 1991 à 1993. Spécialiste du dessalement et de l’énergie renouvelable (solaire, éolienne), le savant a breveté plusieurs inventions, dont un appareil pour l’élimination du sel et des saumures, un capteur solaire pour le chauffage de l’air et un dispositif pour la libération contrôlée d’engrais. Mais sa grande réalisation reste sa « tour énergétique ».

Dan Zaslavsky naît en 1931, dans le plus grand kibboutz d’Israel – Guivat Brenner – au sud de Rehovot, au sein d’une famille d’ingénieurs. A 17 ans, il se rend compte que cet environnement s’avère trop étroit pour ses divers talents. En 1957, il obtient sa maitrise en génie civil au Technion. Puis il part aux Etats-Unis où il passe son doctorat en physique des sols à l’Université de l’Iowa. En 1960, il rentre en Israel, intègre le monde académique et devient ingénieur consultant. Au début des années 1990, nommé Commissaire pour l’eau auprès du gouvernement, Dan Zaslavsky combat drastiquement le gaspillage de cette ressource vitale. Par ses réformes, il parvient à diminuer la consommation de 10%. Après avoir quitté ce poste, le scientifique se consacre enfin à son grand projet commencé dans les années 1970 : la « tour énergétique ». Cette sorte de grand moteur à eau repose sur une technologie qui sert à produire de l’électricité de manière renouvelable à partir de l’air chaud et sec du désert. Depuis 15 ans, au sein de l’institut de recherche le plus réputé d’Israël où il dirige une équipe d’ingénieurs, Dan Zaslavsky met l’accent sur la réalisation de ce qui va probablement révolutionner la politique énergétique mondiale !

Comment ça marche ?

Le principe est très simple : profiter dans un milieu aride du phénomène naturel de convection pour produire de l’électricité. L’idée consiste à construire une haute tour qui aspire l’air chaud au-dessus d’elle. On pulvériser de l’eau au sommet de cette cheminée. Comme avec le vent, l’évaporation qui en résulte refroidit immédiatement l’air ambiant. Enfermé dans une structure solide, l’air refroidi, brusquement plus dense, prend de la vitesse en tombant à l’intérieur de la tour. Il chute rapidement dans le conduit sous l’effet de la gravité. Lorsqu’il atteint le bas, il se déplace à une vitesse telle que le courant produit peut actionner des turbines qui fournissent de l’électricité. D’où le nom de « tour énergétique ». En effet, selon les lois de la thermodynamique, une diminution de 12 degrés Celsius de la température d’un volume d’air aboutit à une augmentation de 4 % de sa masse, qui chute alors à 70 km/h. Il suffit de profiter de ce courant descendant en plaçant des moteurs dans des vannes installées au bas de la cheminée. L’air se précipite à travers un cercle entourant ces turbines qui entraînent des générateurs. On récupère ainsi de l’énergie mécanique classiquement convertie en électricité écologique et économique.

La technologie de la « Tour énergétique » constitue donc une énorme source renouvelable absolument propre, à un coût inférieur à celui de l’électricité générée par des combustibles. Elle représente une solution idéale à la pollution de l’air causée par le dioxyde de soufre irritant, l’oxyde d’azote hautement réactif et l’effet de serre du dioxyde de carbone. De plus, un procédé pour le dessalement de l’eau de mer a été développé en parallèle. Ainsi la « Tour énergétique » filtrerait l’eau salée pour un coût ridiculement bas : un tiers de moins que les dispositifs actuels à osmose inverse (système de filtrage très fin). Une seule tour pourrait de la sorte dessaler 300 millions de mètres cubes par an. Grâce à l’eau fraiche qui ressort de la tour, Zaslavsky explique : « nous pouvons irriguer le désert, produire du biocarburant, stimuler l’aquaculture. »Ainsi, le système transformerait radicalement les lieux arides en zones habitables. Un vrai atout au Moyen-Orient. Les avantages de ce système sont clairs : aucun déchet, ni aucune émission dans l’atmosphère (la tour émet de l’air humide au lieu de gaz qui bloquent et réfléchissent une partie du rayonnement thermique) donc lutte contre le réchauffement climatique ; l’alimentation des régions les plus désolées du monde ainsi que des sites isolés et non raccordés au réseau électrique général ; la préservation d’eau potable.

La phase de réalisation

Concrètement, l’équipe du professeur Zaslavsky espère désormais passer à la phase industrielle, avec le soutien du groupe français Alstom. L’Australie et l’Inde se montrent également intéressées.

Pour mener à bien le projet, il faudra construire une « machine génératrice de vent » – une tour creuse de 400 mètres de diamètre pour 1.200 mètres de hauteur, avec des ouvertures en haut et en bas, sans nécessité de capteur solaire. Cette cheminée comporterait une centaine de turbines de 30 mètres de diamètre, produisant un total de 370 mégawatts. Ces dimensions gigantesques entrainent cependant des problèmes spécifiques à gérer : une protection contre les vents froids d’altitude ; les conséquences sur le trafic aérien. Néanmoins, avec des réservoirs d’eau situés en haut de la tour, des pics de demande seraient parfaitement gérés. Le coût de construction d’une telle structure est estimé à 200 millions de dollars. Mais ensuite, l’économie réalisée rentabiliserait l’investissement : le prix de l’électricité créée de la sorte s’élèverait à moins d’un tiers du coût de production en Israël aujourd’hui. Pour l’heure, deux sites dans le Néguev ont été pressentis pour l’érection des tours : la Arava et Pithat Shalom (près de la frontière égyptienne et de la bande de Gaza). Grâce à cette invention, « Nous pourrions facilement produire entre 15 à 20 fois la quantité totale d’électricité que le monde utilise aujourd’hui » conclut Zaslavsky.


Noémie Grynberg / Israel Magazine 2015