Dario Moreno : celui qui fit chanter les Français au son de l’Amérique latine

Qui ne fredonne pas au moins un air de Dario Moreno, même sans le savoir ? Compositeur accompli d’origine turque, parolier et guitariste, il a atteint la gloire et mené une carrière remarquable principalement en France. Chanteur à la fine moustache et à la chemisette exotique, extravagant et excentrique, excellent danseur, doté d’une voix étendue, Dario Moreno était à l’aise aussi bien dans les opérettes d’Offenbach que dans celles de Francis Lopez. Fort de son succès dans les années 50-60, ambassadeur de la chaleur, de l’exubérance et de la sensualité sud-américaine, Dario Moreno s’est même essayé au cinéma.

De son vrai nom David Arugete, Dario Moreno naît dans le quartier pauvre d’İzmir en Turquie, en 1921, d’un père juif turc et d’une mère mexicaine. Orphelin de père très tôt, il est placé tout jeune par sa mère dans un home juif jusqu’à l’âge de 4 ans. Après l’école juive primaire, le jeune garçon effectue différents petits boulots. Il trouve tout de même un emploi dans un des plus importants cabinets d’avocats de la ville. Il y apprend à devenir clerc. Le soir, David Arugete étudie le français à la Bibliothèque Centrale d’Izmir. Par chance, un jour, il trouve une guitare. Il demande ça et là à quelques tuteurs de lui enseigner à jouer de l’instrument. Ainsi, comme seconde métier, il commence à chanter lors de Bar Mitzva.

A l’âge de 20 ans, David Arugete est déjà bien connu comme chanteur à Izmir. Pendant son service militaire, il est employé entant que chanteur dans le mess des officiers au sein de différentes garnisons. Sa véritable performance musicale professionnelle débute dans sa ville natale après sa quille, grâce aux contacts établis durant son service militaire. Commençant à gagner de l’argent grâce à sa musique, David Arugete déménage dans un quartier juif plus cossu. Aujourd’hui, la rue où il habitait porte son nom de scène.
Un soir, alors qu’il se produit dans une fête et chante avec des orchestres de mariachis, il est remarqué et embauché pour une tournée mondiale dans l’orchestre de l’américain Mac Alle. Il découvre Paris en 1948 et décide d’y enregistrer son premier disque 78 tours : « Quizas, quizas, quizas ». C’est le début de la grande carrière à succès que l’on connaît.

On ne sait pas quand ni comment, ni pourquoi le chanteur change de nom. Toujours est-il qu’il choisit un patronyme à consonance espagnole. Pris sous contrat chez Polydor, David Arugete appelé désormais Dario Moreno, devient une vedette en France où son exotisme rigolard est apprécié du public des années 1950. Il fait son premier concert en 1954, devient très populaire avec des chansons comme ‘’Ya Mustafa’’, « Quand elle danse », « Por favor » (repris par Dalida), « Chérie je t’aime, chéri je t’adore – como la salsa del pomodoro »,  « Si tu vas à Rio » ou « Brigitte Bardot ». La plupart de ses succès sont des adaptations de musiques latino américaines. Dario Moreno va d’ailleurs largement puiser aux sources des sambas de carnaval. En 1958, il reçoit le Grand Prix Du Disque en France. En tout, le chanteur enregistre 12 albums. Très attaché à la Turquie, Dario Moreno prend soin d’y entretenir des liens et enregistre des chansons en turc ; il souhaite également y finir ses jours. D’ailleurs, il gardera la nationalité turque toute sa vie.Parallèlement il fait carrière au cinéma. On le retrouve dans plus d’une dizaine de films dont « Le Salaire de la peur » (1952), « La Môme vert de gris » (1953), « Oh ! que mambo » (1958), ‘’La Femme et le pantin’’ et « Voulez vous danser avec moi » (1959), « La Prisonnière » (1968). Il a pour partenaires les plus grands : Brigitte Bardot, Yves Montand, Eddie Constantine.

Mais à partir des années 1960, les jeunes générations, plutôt sensibles au rock et au yéyé, ne goûtent pas autant que leurs aînés les joyeuses pitreries de Dario Moreno, bien que ces derniers lui conservent leur affection.
1968 est l’année de « L’Homme de la Mancha » qu’il crée en octobre à Bruxelles avec Jacques Brel. Dario Moreno doit y jouer le rôle de Sancho Panca. Quelques jours après la Première au Théâtre Royal de la Monnaie, le sort veut qu’il meure d’une attaque cardiaque sur la terre de ses origines alors qu’il se rendait à l’aéroport d’Istanbul. Il n’avait que 47 ans. Contre sa volonté, il a été enterré au cimetière de Holon en Israël.
Personnage hyperactif, Dario Moreno reste un éternel troubadour. Par leurs rythmes chaloupés et la bonne humeur qu’elles expriment, ses chansons sonnent encore comme autant d’invitations à la danse.