Jacques Offenbach, « le petit Mozart des Champs-Elysées »

Offenbach

Compositeur français d’opéras comiques et d’opérettes, Jacques Offenbach a bouleversé l’univers musical de la seconde partie du XIXe siècle. Allemand naturalisé français, juif converti au catholicisme, voyageur infatigable, il incarne une sorte de génie musical exceptionnel, auteur de 141 opéras dont certains connus internationalement.

Jacob Offenbach naît en 1819 à Cologne dans une famille juive. Son père, Isaac Judas Eberst, est cantor de la synagogue de la ville. Tout comme son frère et sa sœur qui pratiquent déjà la musique, Jacob, lui, commence le violon. Vers l’âge de 9 ans, il se tourne vers le violoncelle. Le jeune Offenbach se met aussi assez tôt à composer de petits morceaux de musique.

En 1833, le père de Jacob l’emmène à Paris. Alors que le règlement interdit l’inscription d’étudiants étrangers au Conservatoire, Offenbach y est tout de même admis. Il y reste un an. C’est à cette époque que le jeune Jacob décide de franciser son nom en Jacques.

Il quitte la prestigieuse institution pour étudier la composition musicale avec Jacques Halévy. Pour payer ses cours, Offenbach joue dans l’orchestre de l’Opéra-Comique. Mais il laisse sa place pour commencer à composer. En 1835, il écrit de petites pièces de musique sentimentales. Au début, c’est son comportement excentrique plutôt que la qualité de sa musique qui attire l’attention. Ses premières pièces théâtrales remportent peu de succès. Les années suivantes, Offenbach ne rencontre pas plus de succès avec ses compositions. Mais parallèlement, en 1838, le musicien s’impose dans les salons parisiens comme violoncelliste virtuose, un des meilleurs d’Europe.

A partir de 1839, Offenbach rencontre d’autres grands musiciens de son époque comme Franz Liszt ou Félix Mendelssohn. Il devient chef d’orchestre au Théâtre Français où il anime les entractes. Vers 1844, pour se marier, Offenbach se convertit au catholicisme.

La carrière "classique" de compositeur d’opéra dont il rêve lui étant à peu près fermée, en grande partie à cause de ses origines étrangères, il décide de prendre son destin en main en devenant un "self-made man" de la musique lyrique. Pour cela, il créé un genre nouveau : l’opéra bouffe français (appelé par la suite "opérette") qu’il promeut peu à peu. Le compositeur construit graduellement sa réputation grâce à des œuvres telles que Pépito (1853) et Oyayayie ou la Reine des Iles (1855). La Foire Internationale de Paris de 1855 représente un tournant dans la carrière d’Offenbach qui ne peut imposer sa nouvelle musique lyrique qu’en créant un théâtre musical bien à lui. Profitant du vent de libéralisme économique insufflé par le second Empire de Napoléon III, il obtient une licence pour un petit théâtre des Champs-Elysées qu’il inaugure sous le nom des Bouffes Parisiens et qu’il administre lui-même. Cette salle va permettre d’élargir le répertoire des scènes non musicales parisiennes à l’opéra-bouffe.

En France, le pouvoir absolu rétabli et le manque de liberté de la société sont compensés par la prospérité matérielle. Les Français veulent se divertir.

Jouissant de ce vent d’insouciance, le compositeur écrit 24 opéras bouffes en 3 ans. Le succès dépasse ses attentes. Dès lors, il entraîne Paris dans un tourbillon musical avec Les Deux Aveugles et Le Violoneux. Offenbach doit s’installer dans un plus grand théâtre situé au Passage Choiseul. Dans les années 1860, le musicien se consacre à des œuvres plus importantes qui assureront sa célébrité. Il fait appel à des librettistes dont la verve parodique se soucie peu de la vraisemblance de l’action et laisse libre cours à son génie ironique et frondeur. Le compositeur écrit près de 100 spectacles dont certains devenus fameux comme sa satire sociale Orphée aux Enfers (1858), La Belle Hélène (1864), La Vie Parisienne (1866), La Grande-Duchesse de Gérolstein (1867), La Périchole (1868), Les Brigands (1869), Madame l’Archiduc (1874).

Offenbach dévoile ainsi au public français une musique inclassable, basée sur le classique et le romantisme mais traversée d’élans rythmiques inconnus jusque là et pénétrée d’une invention mélodique. Rossini surnomme ce surdoué « le petit Mozart des Champs-Elysées » ; d’autres « l’amuseur du Second Empire ». Bientôt, toute l’Europe chante les mélodies d’Offenbach et danse sur leurs rythmes. Le musicien se produit à Berlin, Prague, Vienne, Londres et New York.

Offenbach est alors au faîte de sa carrière, sa renommée est considérable. Mais la guerre de 1870 l’oblige à quitter Paris quelque temps. A son retour, après la chute de l’Empire, il prend la direction de la Gaîté-Lyrique (1872) où ses œuvres sont représentées régulièrement. Mais le temps de l’opéra bouffe est bientôt révolu. La réputation du compositeur décline. En 1876, Offenbach, ruiné, abandonne le théâtre et entreprend une tournée aux États-Unis qui lui permet de rétablir sa situation. Il tombe malade et ne vit pas assez longtemps pour assister à la première représentation en 1881d’une œuvre plus « sérieuse », son grand opéra Les Contes d’Hoffmann. Il meurt le 5 octobre 1880 sans avoir complètement achevé l’ouvrage qu’il portait en lui depuis sa jeunesse.

Longtemps considéré à tort comme un musicien mineur parce qu’il voulait avant tout amuser ses contemporains, Jacques Offenbach a laissé derrière lui un monde de fantaisie et de joie. Offenbach est l’auteur de quelques uns des plus grands opéras du 19e siècle qui ne sont pas réservés seulement à une élite mais demeurent accessibles à tous. En cela, Offenbach est sûrement le compositeur le plus populaire de son époque. Il est aujourd’hui l’un des compositeurs français les plus joués au monde. Traversée d’influences hébraïques, mais aussi italiennes, allemandes et françaises, sa musique très reconnaissable mérite qu’on lui accorde attention. Caricaturiste génial de la société du Second Empire, Jacques Offenbach apparaît comme celui qui a donné ses lettres de noblesse à l’opérette et dont l’héritage se prolonge jusqu’à nos jours dans les comédies musicales modernes.

Israel Magazine / Noémie Grynberg 2009