Kobi Levi, le chausseur fou de Tel Aviv

Original, le mot est faible pour décrire Kobi Levi, un créateur plein d’humour et d’inspiration. Son accessoire de prédilection ? La chaussure, sous toutes ses formes, même les plus improbables, à mi-chemin entre sculpture, haute couture et gag. Extravagants, décalés et pas toujours aisés à porter, ces souliers hors du commun se frayent peu à peu une place de choix. Jusqu’en Chine où les modèles font fureur auprès de la gente féminine.

Kobi Levi vient d’une famille d’artistes. Son grand-père était peintre et graphiste. Aussi quand le jeune homme décide de suivre sa passion, ses proches le soutiennent-ils.

Déjà à l’Académie d’art et de design Bezalel de Jérusalem, l’étudiant commence à dessiner et concevoir des chaussures car pour lui, elles représentent un « allongement du corps qui peut changer la posture et la silhouette des gens en fonction de la conception » explique-t-il. Kobi Levi se spécialise donc dans ce domaine.

Après avoir obtenu son diplôme en 2001, il revient à Tel Aviv, sa ville natale et centre créatif d’Israël. Le styliste y travaille en tant que designer indépendant dans la chaussure pour femmes. Il collabore avec des entreprises israéliennes et internationales en Italie, en Chine et au Brésil.

Parallèlement, dans son propre petit studio où il peut donner libre cours à sa créativité, Levi se lance dans des réalisations toutes plus inattendues les unes que les autres. Avec le cuir en guise de pinceau et une imagination fourmillante, il décide de casser les codes de la chaussure en proposant des modèles loufoques qui donnent envie. Il devient un magicien qui transforme tout en soulier, un poète de la modernité. « Dans ma conception artistique, la chaussure est ma toile. Le déclencheur pour créer une nouvelle pièce vient d’une idée, d’un concept et/ou d’une image. La combinaison de l’image et de la chaussure crée un nouvel hybride et le concept prend vie. La pièce devient une sculpture portable. Elle est "vivante" avec ou sans le pied. La plupart des inspirations sortent du « monde de la chaussure», ce qui lui donner une transformation extrême. Le résultat s’avère généralement humoristique avec un point de vue unique. Un autre aspect de la création est la réalisation. Un développement technique stimulant reste la clé pour donner, de la meilleure façon, vie à la conception. »

En observant ce qui l’entoure, Kobi Levi trouve toujours de nouvelles idées pour ses œuvres. Lorsqu’il en a une, il esquisse immédiatement un croquis afin de ne pas l’oublier, puis le transfère sur ordinateur. Si l’idée a le potentiel de devenir une chaussure, le designer conçoit alors un simple prototype pour tester son aptitude et sa stabilité. Si les deux conditions sont remplies, le chausseur sélectionne les matériaux et les couleurs : un nouvel escarpin nait. Chaque paire est fabriquée à 20 exemplaires et réalisée à la main dans son atelier. Ses modèles peuvent être achetés en ligne sur son site car ses créations ne sont pas encore disponibles en magasin. Bientôt, Kobi Levi envisage d’élargir son studio pour pouvoir vendre un jour son label à un plus large public. Il semble sur la bonne voie.

Pour l’heure, comme ses accessoires ne sont pas encore édités pour la vente mais en séries limitées, voire en œuvres d’art, ils sont présentés dans diverses foires et expositions à Tel-Aviv, Jérusalem, Tokyo, Vérone, St. Etienne ou Berlin. Mais aussi en Suisse, au Japon et en Belgique.

Une imagination débordante

La carrière de Kobi Levi prend véritablement son envol en 2010, lorsque pour montrer ses prototypes à ses amis, il crée un blog où il présente régulièrement de nouveaux modèles. La page est rapidement visitée par de plus en plus d’internautes du monde entier et la popularité du concepteur grandit à chaque clic. Jusqu’à ce que son modèle Double Botte soit porté par la pop star Lady Gaga en personne. Le site web fait alors le buzz et rend le designer internationalement célèbre du jour au lendemain. Du coup, les journalistes commencent à se presser pour écrire un papier sur le chausseur fou de Tel Aviv. Le créateur qui ne pensait pas récolter si tôt de telles réactions positives, voit cette consécration comme un encouragement à poursuivre son travail : « J’aime surtout quand les gens parlent de mes chaussures sans savoir que c’est moi qui les ai conçues ».

Ses inspirations ? Tout et n’importe quoi : objets du quotidien (cafetière, cabas, échelle, baguettes chinoises, toboggan, chewing-gum, fronde, harpe), personnages (Madonna), sujets coquins (XXX) ou faune. « J’aime observer les animaux, essayer de capter la quintessence de leur forme et de leur couleur » dit-il. Ses derniers spécimens s’inspirent d’ailleurs de l’océan : baleines, orques, requins et sirènes.

Ses différents thèmes se reflètent directement dans les modèles que le styliste israélien transforme en véritables « sculptures » portables. Ainsi les objets banals deviennent un écrin extraordinaire pour les pieds. Avec ses chaussures follement imaginatives, Kobi Levi ne recule devant rien et brouille les pistes. Entre mode, art et amour du détail, il fait dans l’humour « pédestre ».

Car selon lui, la chaussure s’avère aussi bien un objet d’art à porter, qu’à contempler. La forme du pied et les exigences qu’elle impose ne constituent qu’un cadre pour la créativité.

Pour la première fois, le designer s’est également essayé aux chaussures pour hommes vu qu’il ne souhaite pas se limiter uniquement aux modèles pour femmes.

Au-delà de cette spécialité, le styliste s’imagine maintenant aussi travailler en dehors du soulier. L’idée de concevoir des meubles est quelque chose qui l’attire beaucoup : « Je vois des points de référence entre les chaussures et certains éléments de mobilier. Il sera certainement intéressant et surprenant de voir comment ma conception artistique envisage des objets plus grands. »

En attendant, Kobi Levi continue de cultiver sa passion : la chaussure créative, drôle libre des contraintes de la mode et totalement désirables.


Noémie Grynberg / Israel Magazine 2016