Samuel Sarphati, le Haussmann hollandais

Sarfati

A Amsterdam, en Hollande, beaucoup de lieux portent le nom de Sarphati : rue, parc, hôtel, monument, quai. Qui donc se cache derrière l’un des plus célèbres Amstellodamois du milieu du 19e siècle, honoré pour toutes ses réalisations ? Réponse : le réformateur social Samuel Sarphati (1813 – 1866), médecin hygiéniste et Juif orthodoxe néerlandais. Ce philanthrope a été l’un des leaders progressistes de sa ville dans les domaines de la santé, de l’industrialisation, de l’éducation et du développement urbain.

Les ancêtres de la famille Sarphati descendent des Juifs séfarades portugais, arrivés d’Espagne aux Pays-Bas au 17e siècle. Le père, Emanuel Sarphati, était un négociant en tabac issu de la classe moyenne.

A l’âge de 20 ans, Samuel Sarphati commence des études de médecine et de pharmacologie. Durant ces 6 années, l’étudiant s’intéresse particulièrement à la chimie et en 1839, il obtient son doctorat.

Peu après, la communauté juive portugaise d’Amsterdam annonce qu’un emploi de pharmacien est vacant. Sarphati s’y présente et obtient le poste. Le jeune praticien est d’abord employé à temps partiel en tant que médecin des pauvres. En début de carrière, le nouveau docteur découvre le désarroi social, la mauvaise hygiène et les conséquences des conditions sanitaires déplorables qui prévalent à cette époque à Amsterdam, en particulier dans les quartiers miséreux de la ville.

Aussi, la compassion de Samuel Sarphati envers ses patients le conduit à élaborer des programmes socio-éducatifs. Il instaure la création de jardins d’enfants juifs où les bambins ne risquent pas d’être convertis au christianisme et qui permettent aux femmes d’aller travailler. En 1845, il conçoit la première école publique de Commerce et d’Industrie d’Amsterdam.

L’hygiéniste prévoit aussi de nombreux projets de développement économique et sanitaire visant à améliorer la salubrité et la qualité de vie dans sa ville ainsi que la santé de ses habitants. Ainsi en 1847, il initie le premier service municipal de collecte d’ordures (étape initiale dans l’assainissement urbain), l’installation de toilettes publiques dans toute la cité et le comblement de plusieurs canaux pollués et nauséabonds du centre-ville.

Refusant le déterminisme naturel de la pauvreté et de la faim, le médecin partage l’avis que les mendiants, vagabonds et indigents ne doivent pas vivre d’aumône mais avoir la possibilité d’étudier et de travailler dans la ville même d’Amsterdam. Aussi, pour lutter contre la mendicité, Samuel Sarphati cofonde en 1849, la Société au profit des Israélites des Pays-Bas. Cette association d’utilité publique fait tout son possible pour améliorer l’éducation et la scolarisation afin de procurer de l’emploi ainsi que de faciliter l’épargne et les dépôts bancaires.

Côté industrie, le docteur Sarphati participe en 1855, à la construction d’une boulangerie moderne fournissant en grande quantité du pain de qualité à prix abordable (30% en dessous de celui des boulangers). Avec une énergie inépuisable, il fonde également de nombreuses organisations : la Société néerlandaise pour la promotion de la pharmaceutique (1842), l’Association nationale Hollandaise de l’industrie (1852), la Banque National Néerlandaise de crédit et dépôt (1863), la Compagnie Hollandaise de Construction (1864), la société Amstel Hôtel (1866).

Outre ses initiatives privées, Samuel Sarphati s’invertit en politique et siège au Conseil Provincial du Noord-Holland.

Au niveau communautaire, Samuel Sarphati préside la Communauté juive portugaise d’Amsterdam. Il est également actif à l’Alliance Israélite Universelle ainsi que dans des organisations juives s’occupant de collecte et de distribution de fonds pour la Terre Sainte. De plus, il administre la société Brit-Itzhak des circonciseurs, et officie lui-même en tant que mohel.

Mais Samuel Sarphati s’implique surtout, par la force des choses, à planifier et à développer d’ambitieux projets urbains, en stimulant d’abord l’expansion d’Amsterdam hors de ses murs historiques. Alors que le centre ville devient surpeuplé et trop petit par rapport à la population croissante, le docteur comprend que l’un des problèmes majeurs devient le manque de logements. Il commence donc à construire des habitations pour les classes moyennes et ouvrières avec de grands espaces verts au milieu comme symbole de cette nouvelle banlieue. Sarphati améliore magnifiquement le quartier, notamment grâce au fameux Hôtel Amstel (aujourd’hui Intercontinental), conçu pour accueillir entrepreneurs et commerçants, et donnant sur un parc portant son nom, achevé près de 20 ans après sa mort. Dessinés dans le style anglais, les beaux jardins sont rehaussés par de grandes maisons entourant le parc.

Samuel Sarphati désire aussi renforcer l’image d’Amsterdam en construisant d’impressionnants bâtiments, signes de sa rénovation urbaine. Au centre de ces plans figure le Palais Nationale de l’Industrie ouvert en 1864. Ce vaste bâtiment industriel de verre et d’acier surmonté d’un dôme, servant de hall d’exposition, et le quartier environnant s’inspirent des capitales de premier plan de l’époque comme Londres et Paris. C’est pourquoi Samuel Sarphati est parfois comparé au Baron Haussmann, qui en tant que préfet, a changé le visage de Paris au milieu du XIXe siècle. Cela vaut à son auteur d’être nommé par le roi Guillaume III, Chevalier de l’Ordre du Lion néerlandais.

Cependant une maladie intestinale mine la santé de Samuel Sarphati. Il décède en 1866, à l’âge de 53 ans. Son enterrement impressionnant réunit des milliers de personnes, 30 voitures suivent son corbillard. ‘’Il est mort comme Moïse, la terre promise devant ses yeux. Sa mort aura été presque un refuge, elle a certainement été une salvation’’ dit-on lors de son oraison funèbre. Sur sa pierre tombale sera gravé un verset biblique : ‘’Et Shmuel est mort et tout Israël prit le deuil".

Mais une part de l’héritage urbain de Sarphati lui survit et reste sans doute sa meilleure contribution à l’amélioration générale de la ville d’Amsterdam.

Noémie Grynberg / Israel Magazine 2011