Sidney Altman, découvreur du rôle catalyseur de l’ARN

S. Altman

On doit au biochimiste et biologiste moléculaire canadien Sidney Altman, la découverte de l’acide ribonucléique (ARN), des molécules qui possèdent de très nombreuses fonctions dans la cellule, dont celle de fabriquer les protéines. L’ARN s’avère donc un support de l’information génétique et joue un rôle majeur dans la stabilité de la chaîne moléculaire biologique.

Sa passion d’enfance pour la science a mené Sidney Altman jusqu’au Prix Nobel. Sa découverte de l’ARN a apporté des données essentielles sur la façon dont la vie a pu évoluer dans le bouillon chimique des mers primitives. Elle a eu de plus une grande portée pour les recherches fondamentales et appliquées en chimie et en génétique : celle de fournir un nouvel outil de lutte contre les virus.

Sidney Altman, né en 1939, grandit à Montréal au Canada, dans une famille de petits commerçants juifs émigrés. Très tôt, ses parents lui apprennent la valeur du travail et des études. Le garçon n’a que 6 ans lorsque les Américains lancent la première bombe atomique sur le Japon en 1945. L’événement marque beaucoup l’enfant, notamment sur l’importance du rôle des scientifiques.

Le jeune Sidney aime aussi les livres. Bien que pratiquant différents activités physiques, la bibliothèque reste ce qu’il fréquente le plus. Il bouquine un peu de tout : romans, ouvrages sur les sports, sur la science. A douze ans, suite à la découverte d’un livre sur la physique nucléaire et la table périodique des éléments, l’adolescent décide de devenir scientifique. Il fait d’Einstein son modèle.

Une fois le bac en poche, un ami propose à Altman de l’accompagne passer des tests psychométriques pour l’entrée à l’université. Décidant lui aussi de tenter sa chance, il passe les examens d’admission à l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT) de Boston. Altman est accepté mais pas son ami.

En 1960, l’étudiant passe sa licence de physique au MIT avant de les poursuivre à l’Université Columbia. Puis il prépare son doctorat de biophysique en biologie moléculaire à l’Université du Colorado. Altman se concentre sur les réactions chimiques au sein des cellules vivantes. Il obtient son doctorat en 1967 et reçoit une bourse pour travailler à l’Université de Harvard où il mène des recherches sur les virus qui infectent les bactéries. En 1969, Altman décroche un stage postdoctoral dans le laboratoire de recherche médical en biologie moléculaire de Cambridge, en Angleterre. Là, il commence ses observations sur l’ARN. Puis, Altman revient aux États-Unis où il devient professeur adjoint dans le département de biologie à l’Université de Yale en 1971. Par la suite, il est nommé professeur titulaire d’une chaire de biologie en 1980, puis chef du département de 1983 à 1985. En 1984, le biologiste est naturalisé américain tout en conservant sa nationalité canadienne. Il devient également doyen de premier cycle de la Yale College de 1985 à 1989.

Dans cette université, le scientifique se spécialise dans les processus chimiques nécessaires à la duplication des informations à partir de l’ADN et à leur utilisation lors de la fabrication des protéines. Il découvre que l’acide ribonucléique pourrait jouer le rôle de molécule et de biocatalyseur. Cela bouleverse les idées reçues voulant que toutes les enzymes soient des protéines c’est-à-dire des molécules spécifiques qui accélèrent les réactions chimiques, processus appelé catalyse. Il faut une dizaine d’années à Altman pour s’apercevoir que la macromolécule qu’il étude n’est pas une enzyme habituelle : au lieu d’être une protéine comme toutes les autres enzymes, celle-ci est composée de deux parties — une chaîne d’ARN qui entraîne la catalyse et une protéine. Le chercheur démontre que l’acide ribonucléique est plus qu’un simple messager.

Cette découverte s’avère importante dans la mesure où les molécules d’ARN se révèlent beaucoup plus primitives que les celles des protéines. Elle permet éventuellement d’expliquer la manière dont la vie a pu commencer il y a des milliards d’années et comment un organisme aussi complexe que l’être humain peut émerger à partir de 30.000 gènes. De plus, la découverte d’Altman offre un début de solution pour l’élimination d’un virus qui cause le rhume. Grâce à elle, il semble possible de concevoir des vaccins catalytiques basés sur l’ARN, qui puissent supprimer les virus du rhume en coupant une partie de leur ribonucléotides.

Altman et son équipe appliquent alors leurs connaissances au développement d’une méthode permettant l’inhibition de tout gène dans tout organisme. Ils brevètent une innovation qui empêche l’expression des gènes de virus dans les cultures cellulaires de tissus humains et espèrent que cette technique soit efficace in vivo sur les êtres humains.

Ainsi, la compréhension du rôle important joué par l’ARN dans l’expression des gènes s’est considérablement étendue depuis le début des années 1980. L’acide ribonucléique emploie une gamme surprenante de mécanismes biochimiques qui peuvent aboutir à différents produits de protéines provenant du même code génétique. “Un nombre incroyable d’ARN différents sont en cours d’identification” déclare lui-même Altman. Depuis, les exemples d’implications des ces molécules dans le métabolisme se sont multipliés. Au niveau médical, en ciblant des gènes viraux, l’acide ribonucléique est aujourd’hui utilisé dans certaines thérapeutiques de biologie moléculaire pour lutter contre des infections ou des oncogènes, dans le cas de cancers.

En 1989, le savant canado-américain est consacré pour l’ensemble de ses découvertes sur l’ARN et reçoit le Prix Nobel de chimie.

Ses connaissances ont ouvert de nouveaux domaines de recherche scientifique et biotechnologique. Elles ont mené les chercheurs à repenser les vieilles théories sur la façon dont fonctionnent les cellules. Cette nouvelle compréhension a de la sorte conduit à de hypothèses inédites sur l’émergence de l’ARN sur Terre et la possibilité que cette molécule y ait engendré les premières formes de vie.


Noémie Grynberg / Isreael Magazine 2015