Stan Getz, le génie du saxo cool

Considéré comme l’un des meilleurs saxophonistes de l’histoire du jazz, Stanley Gayetsky, mieux connu sous le nom de Stan Getz, demeure LE maître du cuivre sexy et sensible où son timbre easy et moelleux a fait merveille. Pourtant, toute sa vie, l’artiste se battra contre la drogue et l’addiction en gagnant rarement la partie.

Ni compositeur (il déchiffrait péniblement la musique), ni révolutionnaire, le grand saxophoniste ténor américain Stan Getz demeure un génie du cool jazz. Malgré saimage:

Stan Getz manie de fumer en scène, ses accords semblaient si riches et pleins, si conforts et chics, si sensuels et relaxes qu’on le surnommait The Sound, en raison de sa sonorité exceptionnelle, à la fois chaleureuse, profonde et aérienne. Improvisateur de premier plan, véhément et raffiné à la fois, jamais mièvre et toujours inspiré, Stan Getz paraissait d’une vraie élégance. Lui-même d’origine juive ukrainienne, né à Philadelphie (1927) puis élevé à New York, il ne se souciait pas des questions de couleur, de religion ou de sexe chez un artiste. Seul le talent l’intéressait.

Une carrière fulgurante
À l’âge de treize ans, après avoir touché à différents instruments, Stan Getz se met au saxophone. Contrairement à d’autres musiciens, l’adolescent trouve rapidement sa tonalité. C’est le début de sa carrière. Grâce à une dérogation écrite de ses parents, le jeune homme part en tournée à travers les Etats-Unis. Il joue dans les orchestres de pointures tels que Nat King Cole, Lionel Hampton et Benny Goodman. Dès ses 18 ans, l’interprète obtient la reconnaissance des grandes formations de l’époque et enchaîne de prestigieuses tournées en Europe avant de s’installer en Californie, en 1946.
Accompagnant des saxophonistes célèbres, Stan Getz enregistre avec eux un morceau d’anthologie : « Early Autumn » où son solo vibre d’une inaltérable beauté.
A partir des années 1950, le musicien participe au mouvement West Coast du jazz californien. Il dirige ses propres formations et devient l’un des principaux représentants du Cool Jazz qui n’a rien à voir avec le swing rugueux et la hargne du be bop. Sa popularité s’accroît, notamment grâce à ses performances avec le trompettiste, chanteur et compositeur noir américain Dizzy Gillespie. Leur relation sera des plus fructueuses. En 1953, l’album « Diz and Getz » mêlant afro cubain et be bop place la barre très haut.
Vers le milieu des années 1950, au moment où le hard bop supplante le cool, Stan Getz évolue à l’intérieur même de son style où il mêle douceur et punch. Il devient un artiste complet, improvisateur toujours en verve, à l’aise aussi bien en compagnie de jazzmen comme Chet Baker qu’avec des orchestres à cordes. En 1957, avec « For Musicians Only », l’instrumentiste atteint des sommets.
Stan Getz se produit régulièrement en Scandinavie et s’installe d’ailleurs à Copenhague (Danemark) de 1958 à 1961.

La révélation brésilienne
L’année 1962 marque un tournant décisif : le saxophoniste découvre la bossa nova, musique de Brésiliens blancs, beaucoup plus calme que la samba des Noirs mais néanmoins délicieusement rythmée. Dès lors, il ne cessera de mêler ces harmonies sud-américaines au swing classique et enchaînera triomphes et prix. Eclectique, Stan Getz alterne accompagnements orchestraux avec petites sessions, entre titres audacieux pour connaisseurs et morceaux accrocheurs pour grand public. Il cosigne l’album « Jazz Samba » qui connaît un succès sans précédent dans l’histoire du jazz enregistré. Le disque signe l’acte de naissance de la mode bossa nova, fusion du jazz et de la samba brésilienne. En 1963, le titre « Desafinado » vaut à Stan Getz un Grammy Award (récompense  musicale américaine) pour la meilleure Performance Jazz de l’année.
Le saxophoniste fait ensuite venir du Brésil le fameux couple João et Astrud Gilberto avec qui il enregistre. Leur chanson « The Girl from Ipanema », jazz bossa que tout le monde a entendu aujourd’hui et qui cartonne encore, remporte le Grammy Award de la chanson de l’année 1965. Elle devint le refrain le plus diffusé au monde après « Yesterday » des Beatles. L’album « Getz/Gilberto » remporte quant à lui deux Grammys (Meilleur album et Meilleur Single de l’année), devant « A Hard Day’s Night » des Beatles. Un exploit ! Pourtant Stan Getz refuse de se cantonner au rôle de medium entre Brésil et USA. Il ne veut pas se laisser enfermer dans un genre. Aussi, au début des années 1970, toujours à l’écoute de nouveauté, le musicien expérimente le style fusion mêlant rock et funk, puis se tourne vers des formes de jazz plus ésotériques.

L’âme du jazz blanc
Ce n’est qu’à l’âge de 60 ans que le saxo ténor réalise son premier enregistrement à jeun. Il craignait d’ailleurs de ne pas être à la hauteur sans substance illicite dans ses veines… Affaibli par un cancer du foie, Stan Getz refuse la chimiothérapie ou tout autre traitement lourd, préférant des plantes curatives. Pourtant la mort finit par le rattraper à Malibu, le 6 juin 1991. Sous la dépendance de la drogue, celui qui fut l’un des plus grands saxophonistes de sa génération disparaît à 64 ans. Mais avant de quitter ce monde, le jazzman donnera tout ce qui lui reste de génie dans « People Time », son chant du cygne : Stan Getz y vainc la souffrance par la beauté de son inspiration illuminée et de son timbre si particulier.
A sa mort, le musicien laisse à la postérité plus de 300 enregistrements, un corpus d’œuvres d’une qualité constante dans l’excellence, habité par l’aisance et la plénitude. Ses meilleurs morceaux demeurent : « Autumn Leaves », « My Funny Valentine », « Lullaby Of Briand », « Jumpin With Symphony Sid ».
Ce petit-fils de tailleur (ancien officier Juif de l’armée du Tsar) portait en lui l’âme slave. En un accord, ce grand lyrique du jazz savait traduire en musique le souffle juif d’Europe centrale. Sans sensiblerie ni pause, ses harmonies exprimaient la tendresse et la détresse, la douceur et la douleur, l’émerveillement de la musique et la violence du monde. Elles célébraient la vie, l’amour et parfois aussi la mort.