Adoption à l’étranger : un choix qui se libéralise

Depuis l’Antiquité, la Bible et le Talmud offrent plusieurs exemples d’adoption : Moïse choisi par la fille du Pharaon ; Sarah, Rachel et Michal adoptent les enfants de leurs servantes ou de leur sœur. Le Talmud enseigne que « quiconque élève un orphelin dans sa maison doit être considéré, selon les Ecritures, comme si cet enfant était né de lui ». Recueillir un enfant et l’élever comme le sien est encouragé et considéré comme une Mitsva (devoir).

Bien que l’adoption ne soit pas reconnue comme un droit fondamental dans la législation israélienne, la parentalité en revanche l’est.

Adopter en Israël même est chose longue et difficile (7 ans d’attente en moyenne) car relativement peu d’enfants sont abandonnés ou orphelins. En tout, le pays en compte entre 8.000 et 10.000 allant de 0 à 12 ans. Pour chaque nouveau nourrisson, il y a en moyenne 3 couples demandeurs. Mais pour les petits au-delà de 3 ans, les parents adoptants se font plus rares.

La première loi sur l’adoption en Israël date de 1960 puis elle a été modifiée en 1981. Au niveau légal, l’adoption ne reconnaît qu’un seul objet : créer pour l’enfant dépourvu de parents une atmosphère familiale. C’est pourquoi l’âge minimum pour adopter est si bas – 18 ans à peine – contrairement au modèle du droit romain ou continental. Pour les futurs parents, il n’y a aucune nécessité légale de ne pas avoir d’enfants ; pas besoin de contrat d’adoption, mais une décision du tribunal ; enfin une période de probation sous la surveillance d’une assistante sociale est demandée comme condition préalable à la décision d’adoption. Les conditions requises sont : adoptant et adopté doivent être de la même religion mais leur nationalité est sans importance ; l’adoptant doit être domicilié en Israël ; l’adopté doit avoir moins de 18 ans. Si l’enfant est en mesure de comprendre la question concernant son adoption, son consentement est nécessaire. Pour obtenir la probation, il faut que le parent ait hébergé l’enfant dans son foyer au moins 6 mois et en avoir informé les instances sociales locales. Après enquête dans le nouveau foyer, les services sociaux soumettent leurs résultats au tribunal avec leurs suggestions. Ce n’est qu’après réception de ce rapport que le tribunal prend une décision au sujet de l’adoption demandée.

 

A l’étranger

Néanmoins, Israël est un pays assez libéral en matière d’adoption à l’étranger, conformément à la législation de la Convention de La Haye sur la protection des enfants. En effet, de plus en plus de personnes en mal de progéniture se tournent vers cette solution car la loi nationale concernant l’adoption locale est assez stricte : ne peut adopter un enfant qu’un couple marié (saufs certains cas spécifiques d’ascendance), de préférence de moins de 40 ans, requérant des conditions matérielles et financières minimales. Jusqu’en mars dernier, la différence d’âge entre adopté et adoptant ne pouvait pas dépasser 48 ans. Or, début 2009, la Haute Cour de justice a fait jurisprudence en autorisant, dans certains cas particuliers, des parents à adopter au-delà de cette différence d’âge imposée par la loi.

Avant 1998, Israël ne reconnaissait pas légalement les adoptions à l’étranger mais les tolérait. Ainsi, sans cadre légal, des parents partaient adopter à l’étranger, chacun suivant sa filière, ses contacts, ses réseaux. Les adoptants ne disposaient d’aucune information réelle sur la provenance des enfants, leurs antécédents familiaux et médicaux. Ils ne pouvaient pas les choisir sur photos. L’attribution était donc une véritable loterie, avec ses problèmes de bakchich (interdit par la loi israélienne). Sans contrôle sérieux dans les pays d’origine, les parents pouvaient être victimes d’échange d’enfants ou d’enfants avec des problèmes psychologiques. Malheureusement, plusieurs Israéliens ont été impliqués dans des scandales liés au vol ou à la vente d’enfants. D’où la nécessité de légiférer.

Depuis 1998, la loi israélienne autorise l’adoption d’enfants à l’étranger uniquement par l’entremise d’une association reconnue et autorisée à exercer par le Ministère du Travail et de l’Aide sociale et le Ministère de la Justice. Toute adoption à l’étranger en-dehors de ce cadre est considérée comme une infraction à la loi, contrairement à la France par exemple qui autorise l’adoption individuelle. Il existe ainsi plusieurs associations à but non lucratif prenant directement en charge les demandes d’adoption à l’étranger. En 2009, 9 associations ont été homologuées dont : Taf, Atid hayeled, Hayeled Hatsohek, Mazal, Yad la yeled. Chaque année, leur statut et autorisation d’exercer sont réexaminés par les autorités compétentes. Certaines associations peuvent donc être déboutées d’une année sur l’autre. En 2009, les pays ayant signés des accords avec Israël sont soit des ex-républiques soviétiques (Russie, Ukraine, Kirghizie, Azerbaïdjan, Georgie, Kazakhstan, Moldavie), soit des Etats d’Amérique du Sud (Guatemala et Pérou). Depuis une décennie, plusieurs milliers d’enfants étrangers ont été adoptés par des familles israéliennes, soit plusieurs centaines par an. Mais l’année 2008 a vu une nette chute du nombre d’enfants adoptés à l’étranger par rapport à 2007. Depuis 1999, l’Ukraine reste sans conteste le principal pays d’origine des petits ramenés en Israël, suivi par la Russie et la Roumanie. Mais les accords israéliens avec cette dernière n’ont pas été renouvelés en 2009. Même cas pour les Philippines.

L’avantage de l’adoption à l’étranger tient dans ses délais plus courts et ses conditions moins draconiennes. Elle permet aux célibataires (homme ou femme), aux couples non mariés ou aux couples âgés de devenir parent plus facilement. Les adoptants doivent avoir au moins 25 ans. Pour les couples, il faut justifier d’au moins 3 ans de vie commune. Les futurs candidats peuvent choisir l’enfant suivant des critères physiques sur photos. Ils ont droit jusqu’à 3 refus selon les associations.

Jusqu’en 2008, la loi israélienne fixait le coût de l’adoption à 20.000$ pour couvrir les divers frais d’ouverture de dossier, d’administration, de justice et de santé. Mais l’année dernière, devant l’afflux de demandes et la baisse du dollar, la commission parlementaire de la Knesset a réévalué le prix à 22.000 €, incluant les frais d’un interprète. Les familles disposant de revenus modestes peuvent obtenir une réduction de 10 à 15% des frais de dossier.

Il faut ajouter à cette somme initiale les frais de voyage dans le pays choisi, d’hébergement sur place, de bureaucratie, etc. Les frais de dossiers ne sont à verser qu’une fois obtenue l’assurance que l’enfant choisi est en bonne santé et que la date du voyage a été fixée. Si l’association demande une somme supérieure à celle fixée par la loi ou si elle ne travaille pas directement avec les autorités concernées mais avec des intermédiaires, si elle ne propose qu’un seul pays d’adoption, il faut changer d’organisme car celui- là n’est pas fiable. Il est donc conseillé de ne pas payer la somme entière d’avance. La liste des organismes d’adoption agrées est disponible auprès du Ministère du Travail et de l’Aide sociale. Celles n’y figurant pas ne sont pas accréditées par l’Etat. Bien vérifier également la validité en cours des pays d’origine.

Il est également recommandé aux adoptants de s’adresser à plusieurs associations distinctes, dans des villes différentes, afin de comparer leurs services et leurs conditions. Le contrat est signé, en cas d’accord, entre les parents et l’association uniquement. L’Etat n’intervient pas. En cas d’adoption non conclue, l’association doit rendre la majeur partie des 22.000 € aux parents. Dans le cas contraire, l’argent n’est encaissé par l’association qu’une fois l’accord d’adoption validé.

La procédure

La procédure d’adoption à l’étranger est relativement courte : à peine quelques mois entre le début d’ouverture de dossier et le rapatriement effectif de l’adopté en Israël.

Elle commence par le choix d’une association reconnue officiellement et par une rencontre avec ses représentants. Les adoptants doivent ensuite ouvrir un dossier de demande et fournir plusieurs documents au Ministère de l’Intérieur et à la police. Il faut pouvoir justifier d’un emploi, d’un revenu, d’un logement, d’économies et d’un casier judiciaire vierge.

Durant les mois de procédure, les adoptant sont tenus de rencontrer une assistante sociale et un psychologue qui rédigeront un rapport psycho-social les concernant. Ensuite, les parent se verront proposés un enfant et toutes les données relatives à son sujet. L’association choisie s’occupe alors de toutes les démarches administratives, du suivi du dossier et de la transmission des documents à qui de droit.

Il est préconisé aux parents de voyager à l’étranger pour faire la connaissance personnelle de leur futur enfant choisi préalablement sur photo, avant de s’engager définitivement. Ils sont accompagnés sur place par un membre de l’association choisie. Dans le pays d’adoption, un médecin accrédité par l’association examine l’enfant. Une partie des examens est recommandée par le Ministère de la santé (hépatite, sida, syphilis, analyses de sang, d’urine et de scelles, évaluation du développement neurologique, vue, ouie). D’autres sont recommandés par l’association (test génétique). Les parents peuvent rester en contact téléphonique avec le médecin en cas de question.

Une fois l’enfant ramené sur le sol israélien, il jouit du statut de citoyen permanant avec tous ses droits. Dans les mois qui suivent, une assistante sociale de l’association choisie rend au moins deux visites à la famille adoptante pour accompagner l’intégration de l’enfant dans son nouveau foyer et sa nouvelle vie. Les contacts entre les adoptants et l’association se prolongent au moins durant trois ans pour assurer le suivi de l’enfant en Israël.

Comme tout parent, les adoptants bénéficient du congé parental de 3 mois et des allocations familiales.

Selon certains courants, judaïsme et adoption ne sont pas incompatibles. Pour les parents désireux de se conformer aux règles religieuses, il est possible de convertir l’enfant dès son plus jeune âge, même sans son consentement, auprès de rabbins spécialement compétents en la matière. Le garçon doit être circoncis et tout comme la fille, immergé dans un Mikvé (bain rituel). L’enfant converti sera alors considéré comme le fils ou la fille du parent adoptif et pourra porter son nom. Il sera regardé comme un enfant d’Israël à part entière.


Noémie Grynberg 2009