L’année de la langue hébraïque : pour la sauvegarde de son héritage linguistique et culturel

Hbreu

Grâce au travail méticuleux d’Eliezer Ben Yehouda pour la renaissance de l’hébreu, il a été admis au rang des langues officielles du nouveau mandat britannique en 1936 et est devenu celle de l’Etat d’Israël en 1948. Depuis, l’hébreu s’est transformé en véritable ‘’sésame’’ dans les contacts avec les entreprises israéliennes.

L’hébreu, une des langues les plus anciennes du monde, appartient à la famille afro-asiatique et au groupe sémitique (qui inclut aussi l’arabe, l’amharique). Il présente trois stades de développement : l’hébreu biblique (celui de la Torah), l’hébreu mishnaïque et l’hébreu moderne utilisé actuellement en Israël. Mais il s’agit d’une seule et même langue. Il n’existe qu’un seul grand point grammatical qui distingue l’hébreu moderne de l’hébreu biblique : celui de l’expression du présent.

La renaissance de l’hébreu  en tant que langue vivante a ceci de particulier : sa formation est directement liée à la construction d’un Etat-nation donc à une identité, à une culture, une histoire, une tradition, une mémoire.

L’hébreu d’aujourd’hui se différencie pourtant de l’hébreu biblique. Comme toutes les langues, il subit une évolution constante et naturelle, impliquant un décalage entre certaines règles officielles et certaines pratiques populaires, voire une socialisation de la langue selon les catégories sociales et la création d’un argot local. L’hébreu courant est vulgarisé dans les feuilletons télévisés. De plus, de nombreux néologismes ont été ajoutés afin de suivre l’évolution des activités humaines. L’hébreu s’adapte aux nouvelles mutations et inventions et trouve de nouveaux mots et termes, mais aussi sa propre «langue verte». Le slang est surtout utilisé par les militaires et les jeunes qui, par commodité dans un monde globalisé de communication rapide, intègrent un grand nombre d’anglicisme souvent usités dans la société de consommation : lehaklik (cliquer), lesames (envoyer un SMS) ou encore lehizdangef (se trouver dans Dizengoff), devenu populaire dans l’argot des années 50-60 et synonyme de luxe, d’atmosphère bohémienne et de culture des loisirs. Ainsi, la langue antique a su parfaitement intégrer dans sa version moderne les formes grammaticales internes à son langage en hébraïsant les termes étrangers.

Doit-on s’inquiéter de la ‘’pollution’’ de l’hébreu par des mots étrangers ou au contraire se réjouir de la bonne adaptation de la langue à la modernité ? En fait, depuis ses origines, l’hébreu a intégré des termes étrangers propres à son environnement : perse, égyptien, écadien, araméen, grec, latin. Plus récemment, le langage a absorbé des mots polonais, russes, yiddish, allemands ou arabes suivant les vagues d’immigration. De ce fait, loin de s’appauvrir, la langue s’est enrichie d’une grande quantité de synonymes.

Le rôle de l’Académie de la langue hébraïque (fondée en 1951) est de limiter l’affluence des termes étrangers en proposant des termes hébreux lorsqu’il est possible de vivifier une racine biblique ou mishnaïque. Jusqu’à présent, les professeurs de lycées et universités reçoivent des communiqués annonçant toute nouvelle norme. Au sein des médias audiovisuels publics, des conseillers sont chargés de corriger les erreurs des journalistes et de les conseiller dans leur utilisation de la langue.

De la Bible à la hi-Tech

L’Académie de la langue hébraïque et le Technion ont mis sur pied le Comité central de terminologie technologique qui fixe les termes de la technique et des sciences exactes. À ce jour, le Comité a publié quelque 75 dictionnaires spécialisés (bilingues ou multilingues) comprenant plus de 65.000 termes dans des domaines divers : technique, hydraulique, mathématiques, physique, chimie, géodésie, génie civil, informatique, mécanique des sols, résistance des matériaux, photographie, textile, fonderie, automobile, météorologie, téléphonie, hydrologie, etc. C’est ainsi que les noms des composés chimiques en hébreu suivent de près leur formule, ce qui n’est pas le cas dans d’autres langues. Aujourd’hui, l’hébreu moderne permet donc l’enseignement du calcul, de l’algèbre, de l’aéronautique, des sciences nucléaires, etc.

Cependant, une étude psychologique faite sur des enfants élevés dans différentes langues montre que ceux qui grandissent dans une langue où il existe une différentiation entre masculin et féminin font plus tôt que les autres la distinction entre les sexes. Par ailleurs, les enfants grandissant dans une langue où il existe plusieurs temps pour désigner le passé ou le futur sont plus précoces dans l’acquisition de la notion de temps.

Enseignement

Aujourd’hui, certaines voix se plaignent que l’hébreu ait perdu de son impact originel, qu’il soit mal parlé et écrit et qu’il risque d’être sur son déclin.

C’est  pourquoi en 2010, le ministre de l’Education, Guidon Saar, a décidé de consacrer l’année scolaire à venir à la langue hébraïque. Il souhaite placer cette matière au centre du système éducatif primaire et au collège. Par ce biais, le ministre veut renforcer et améliorer l’enseignement de l’hébreu car aujourd’hui, il constate que la société israélienne possède un vocabulaire assez faible. Ainsi, Guidon Saar compte augmenter considérablement le nombre d’heures consacré à la langue qui selon lui, représente aussi une culture permettant le développement propre des élèves et la définition de l’identité de la personne, de sa fonction et de son appartenance à la communauté nationale. Le but central de ce nouveau programme repose sur l’amélioration de la maitrise de la langue parlée et écrite, de la culture orale et de la discussion, de la connaissance de l’héritage linguistique de la culture hébraïque et de son histoire.

Ainsi, les écoles et le gouvernement tentent de faire de l’hébreu une langue contemporaine à partir d’une langue ancienne par une modernisation accélérée. L’hébreu peut de la sorte devenir un outil souple et efficace pour faire avancer l’éducation et la recherche scientifique.

Noémie Grynberg 2010