La mer Morte va-t-elle mourir pour de bon ?

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Curiosité naturelle, la mer Morte se situe à près de 400 mètres sous le niveau des mers, et abrite les eaux les plus salées de la planète. Mais ce patrimoine unique est en danger de disparition si d’énergiques mesures ne sont pas prises rapidement. Cette question a justement été débattue lors du dernier colloque ‘’Le sel de la terre’’ qui s’est tenu en Israël.

La Mer Morte est une des particularités géographique d’Israël. Son caractère unique en fait une attraction touristique et écologique. Mais ce trésor est en péril.

Malgré la chaleur étouffante du site, l’agonie de la mer Morte n’est pas le fait du réchauffement climatique : un lac aussi salé ne perd que peu d’eau par évaporation. Si cette mer biblique disparaît, c’est d’abord parce que plus aucune goutte d’eau fraîche ne lui parvient du Jourdain, son principal affluent, pour cause d’agriculture intensive.

A force de pomper l’eau pour en tirer potasse et sel minéraux, la mer s’assèche. Si cette catastrophe due en majorité à l’activité humaine (déviation, par Israël et la Jordanie, des fleuves Jourdain et Yarmouk en amont) continue au même rythme, elle entraînera des dégâts qui coûteront à l’Etat 90 millions de dollars par an, selon les experts. Actuellement, seuls 10 % des eaux du Jourdain atteignent la mer Morte et les bassins d’évaporation utilisés par l’industrie minérale pour produire de la potasse (potassium, magnésium, brome) qui pollue la mer et entraîne des fluctuations du niveau d’eau, sont tout autant responsables de l’assèchement de l’eau. Leur processus d’extraction entraîne chaque année la disparition (par évaporation ou consommation directe) de près de 800 millions de mètres cubes d’eau ! Selon certains calculs effectués par des chercheur de l’Institut géologique d’Israël, les industries israéliennes et jordaniennes seraient responsables à hauteur de 35% du déclin de la mer Morte

De plus, l’équilibre de l’écosystème de la région est compromis par les constructions situées sur les deux rives du fleuve pour le tourisme grandissant depuis les années 1990. Une quinzaine d’hôtels luxueux sont sortis de terre en 20 ans. Dans les palmeraies qui bordaient autrefois la mer, des crevasses sont apparues les unes après les autres, au fur et à mesure que la mer Morte se retire. Elles proviennent d’anciennes poches de sel que les eaux souterraines emportent désormais vers le lac. Résultat : le sol s’effondre, engloutissant tout ce qui se trouve en surface (arbre, maison, route, poteaux électriques…).

Il y a encore cinquante ans, le fleuve apportait plus de 1.000 millions de mètres cubes par an. Si rien n’est fait, la mer fermée pourrait disparaître d’ici 2050.

Ces dernières décennies, la Mer Morte est en constante régression : son niveau a baissé de 26 mètres en 30 ans et continue de perdre près d’un mètre par an. La berge a reculée de 3,5 kilomètres, ce qui entraîne des dégâts écologiques, environnementaux et économiques graves pour le monde humain, animal et végétal.

Pour sauver la mer Morte de la déperdition, il existe deux projets : l’écoulement de l’eau de mer de la Méditerranée ou le creusement d’un canal entre la Mer Rouge et la Mer Morte. Ce dernier profiterait du différentiel d’altitude (420 mètres) entre la mer Rouge et la mer Morte pour fabriquer de l’électricité, laquelle servirait notamment à faire tourner une station de désalinisation et produire de l’eau potable. Ainsi, la mer Morte serait sauvée, plusieurs centaines de mégawatts seraient produits et 800 millions de mètres cubes d’eau potable pourraient être fournis aux riverains chaque année. Cependant, mer la plus salée du monde a toujours été alimentée par de l’eau fraîche. L’apport de phosphates et de nutriments provenant de la mer Rouge pourrait également entraîner une prolifération d’algues vertes, dont on ne mesure pas exactement ni l’ampleur ni la durée.

Toutes ces questions existentielles quant à l’avenir de la mer la plus salée au monde et la plus basse de la planète, ont été débattues au cours d’un colloque de 3 jours à Ein Guedi fin novembre. Des représentants du monde académique et politique ainsi que des spécialistes du droit, du tourisme, de l’eau, de l’environnement, de l’écologie y ont participé. Le colloque n’était pas uniquement réservé aux professionnels mais était également ouvert au large public. Des excursions dans la région ont permis aux participants de découvrir ou de redécouvrir ces lieux magiques, chargés d’histoire, et patrimoine naturel incontestable qu’il s’agit de préserver.

   

Israel Magazine / Noémie Grynberg 2007