Main d’œuvre émigrée : quelle politique adopter en Israël ?

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Depuis 1989, Israël comme toutes les nations développées, s’est mué en pays d’immigration économique. La main d’œuvre importée vient y remplacer les travailleurs palestiniens devenus indésirables depuis la première intifada et confinés dans leurs zones autonomes depuis les accords d’Oslo. Elle se concentre essentiellement dans 3 grands secteurs d’activités : le bâtiment, l’agriculture et l’aide à la personne. Aujourd’hui, l’apport des travailleurs étrangers se révèle un facteur de croissance important du pays.

En Israël, le nombre de permis de travail est défini chaque année officiellement par l’Etat. Ces visas sont valables pour une période limitée (maximum de 5 ans et 3 mois). Entre 1995 et 2000, plus de 95% des travailleurs étrangers sont entrés en Israël avec un visa touristique. L’augmentation du nombre de migrants depuis 10 ans est due principalement à l’accroissement des permis accordés. Leur chiffre a régulièrement augmenté, passant de 85.000 en 2000 à 120.000 en 2009.

Jusqu’en 2008, c’était le Ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Emploi qui délivrait les autorisations de travail aux expatriés. Depuis 2008, la responsabilité est passée au Ministère de l’Intérieur.

Aujourd’hui, la plupart des travailleurs émigrés en Israël viennent principalement d’Asie (Thaïlande, Chine, Philippines) mais aussi de Roumanie, d’Afrique de l’Ouest ou d’Amérique du Sud. En 2008, cette population représentait 10,4% des actifs du pays, soit bien plus que la proportion d’étrangers dans les Etats membres de l’OCDE (6,1%). De janvier à juin 2010, les travailleurs émigrés ont rapatrié dans leur pays d’origine une partie des salaires gagnés en Israël pour un montant de 1,8 milliard de dollars.

L’appel initial de travailleurs extranationaux résulte des conséquences de la première Intifada en 1987. Israël s’est vu soudain privé de la main d’œuvre palestinienne. Depuis les accords d’Oslo de 1993 et la fermeture des frontières de Judée Samarie et de Gaza, la demande en travailleurs étrangers s’est accrue car l’afflux rapide et important de l’immigration russe a nécessité à l’époque la construction de milliers d’appartements dans un délai record. Le ministère du Logement et des Infrastructures est ainsi devenu le plus gros consommateur de main- d’œuvre étrangère (57.000 permis de travail délivrés en 1997 contre 12.000 en 2006), suivi par celui de l’Agriculture.

Depuis une quinzaine d’années, le besoin s’est étendu aux aides à domicile pour les personnes âgées, activité qui représentait 30% des entrées en 2006. Ceci indique clairement que les emplois occupés par les étrangers viennent combler un réel manque national. En effet, ces places sont restées vacantes car aucun Israélien, même au chômage, ne souhaite travailler dans ces branches réputées difficiles.

Effectivement, sans qualification, les émigrés acceptent des travaux pénibles et se contentent de bas salaires, ce qui fait qu’ils sont devenus une force de travail importante et irremplaçable dans certains secteurs de l’économie israélienne comme l’assistance aux personnes dépendantes, l’agriculture et la construction.

Les travailleurs expatriés bénéficient en principe des mêmes droits que les Israéliens. Cependant, ils rencontrent des problèmes de surcharge de travail, de salaires inférieurs aux minima nationaux, de méthodes d’intimidation de la part des employeurs, de langue et de lecture, de logements insalubres et de cache-cache avec la police pour les illégaux.

Cependant, il existe en Israël plusieurs associations pour aider les étrangers et protéger leurs droits, telles Kav Laoved. Dernièrement, une loi oblige les agences pour l’emploi à payer des frais de chômage aux ouvriers non Israéliens ayant perdu leur travail.

Les illégaux : entre guerre des chiffres et drame humain

Difficile d’évaluer avec précision le nombre de travailleurs migrants en Israël, principalement parce que les méthodes de calcul du Bureau Central des Statistiques diffèrent de celles de la Banque d’Israël. Concernant les sans permis légal, les diverses estimations mises à jour grâce à la création de l’Administration de l’Immigration, varient entre 60.000 et 200.000. Seule une petite minorité parmi les travailleurs migrants seraient arrivés en Israël sans visa de travail ou touristique, en forçant les contrôles. La plupart des clandestins pénètreraient par la frontière perméable d’avec l’Egypte, venant d’Ethiopie, de Chine, d’Érythrée, du Darfour, du Soudan et d’Afrique noire. Par contre,  45% d’expatriés actuellement sans permis seraient initialement entrés dans le pays avec un visa touristique mais continueraient d’y séjourner et d’y travailler au-delà de son expiration et de l’échéance juridique de leur permis.

En 1990, sur 16.000 travailleurs migrants, 25% d’entre eux étaient illégaux. En 1996, le nombre d’actifs étrangers était estimé à 65.000 dont 45% d’illégaux. Selon le Bureau central des statistiques, à la fin de l’année 2000, Israël comptait 240.000 travailleurs migrants, fin 2001, 240.000 avec un pic de 139.000 travailleurs extranationaux illégaux. Quand à 2002, elle a été une année record avec 250.000 actifs étrangers dont beaucoup de clandestins. Fin 2003 a montré une tendance à la baisse avec environ 189.000 étrangers dont 104.000 sans permis. Selon les données publiées par la Banque d’Israël, le troisième trimestre de 2004 comptait environ 238.000 travailleurs migrants. En 2005, le nombre d’illégaux a chuté à 80.000, tandis qu’en 2006 leur nombre a raugmenté de 5%. Fin 2006, le pays n’enregistrait plus que 102.000 travailleurs étrangers légaux et 84.000 clandestins.

Selon le Ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Emploi, le nombre d’employés étrangers séjournant en Israël à la fin 2008 se situait à environ 215.000 dont approximativement 97.000 sans permis de travail.

Depuis 2002, il existe une police de l’immigration efficace qui compte quelque 400 hommes à la recherche des clandestins. Elle procède en moyenne à 5.000 expulsions par an.

Le statut des enfants de travailleurs émigrés

Les enfants d’émigrés nés en Israël posent le problème de l’octroi automatique ou non de la nationalité par le droit du sol. Ainsi puisque la loi ne le reconnait pas, les femmes ayant accouché sont expulsables trois mois après la naissance de leur bébé.

Cependant, en juin 2006, le cabinet d’Ehoud Olmert a décidé à la quasi-unanimité d’accorder le statut de résident permanent aux enfants répondant à plusieurs conditions : être en Israël depuis au moins six ans, être arrivé avant l’âge de 14 ans avec des parents entrés légalement, être scolarisé et parler couramment l’hébreu. À leur majorité – 18 ans –, s’ils décident de faire le service militaire, ils recevront la nationalité israélienne mais leurs parents resteront résidents permanents. Cette décision a permis de donner un statut légal à 900 enfants – et par extension à leurs parents – dont 500 dans la région de Tel-Aviv.

Les enfants qui ont officiellement reçu un statut du gouvernement depuis 2006 semblent s’être bien intégrés dans la société israélienne et servent dans l’armée.

En 2008, le phénomène des enfants de travailleurs étrangers nés en Israël s’est amplifié : le chiffre est monté à 2.000. Quelques 1.200 d’entre eux fréquentaient le système éducatif national, suivant les différentes tranches d’âge.

Dans la première moitié de 2010, un Comité interministériel a été nommé par le Premier ministre Benjamin Netanyahu afin de réexaminer la situation des enfants de travailleurs extranationaux. Le comité a recommandé l’octroi du statut à ceux qui répondraient à tous les critères suivants :

1. Vivre depuis cinq ans consécutifs ou plus en Israël à condition de ne pas être né dans le pays et d’y être venu avant l’âge de 13 ans.

2. Etre inscrit pour l’année scolaire 2010 dans le système éducatif israélien, au minimum en classe de CP ou avoir fini le bac en 2009.

3. Avoir étudié dans le système national israélien au cours de l’année scolaire 2009.

4. Avoir des parents entrés dans le pays légalement.

5. Parle hébreu.

Le 1er août dernier, par 13 voix contre 10 et 4 abstentions, le gouvernement israélien a voté en faveur de la recommandation de la commission. Les ministres ont décidé de légaliser la situation de 800 enfants de travailleurs étrangers et d’en expulser 400 autres dont la famille ne répondait pas aux critères. Ces expulsables dont beaucoup en bas âge, ont soulevé l’émoi et l’indignation des citoyens israéliens qui se sont mobilisés à leur côté pour tenter d’annuler cette décision perçue comme immorale.

Sous la pression de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques), le gouvernement s’est fixé comme but depuis cette année  de réduire de 100.0000 le nombre de travailleurs étrangers d’ici 2 ans. Pour encourager les ouvriers extranationaux à quitter le pays, il a été fixé que le montant de la retraite ainsi que le solde de licenciement leur seraient versés dans des comptes à part et que l’argent leur serait donné uniquement lors de leur départ du territoire.


Noémie Grynberg 2010