Naguila : la joie au-delà du handicap

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A l’origine, l’association Naguila ne se destinait à venir en aide qu’aux non voyants juifs. Mais victime de son succès, elle a vite été débordée par d’innombrables demandes d’assistance pour les personnes handicapées de toutes sortes. Portée par son nom (allégresse en hébreu), Naguilah s’est donnée pour mission d’apporter assistance et joie à nos coreligionnaires frappés d’infirmité.

L’association Naguila à but non lucratif pour les Juifs invalides (non voyants, sourds et handicapés moteurs) ne date pas d’hier. Elle a été fondée en France en 1968 par un groupe d’aveugles juifs avec le concourt du Grand Rabbin Sirat, qui en est devenu Président, afin de mieux surmonter ensemble leur handicap. Cette idée a germé car auparavant, il n’existait pas de structure juive pour accueillir les jeunes aveugles et leur donner un cadre judaïque. Ils fréquentaient des associations laïques et subissaient une influence chrétienne. Jugeant la situation critique, Janine Zerbib, une des fondatrices de l’association, elle-même non voyante et ancienne élève de l’école d’Orsay, a alors décidé qu’il était important d’apporter à chacun une vie et une identité juives.

Le succès de Naguila a été immédiat et au-delà de toute attente. Très vite l’association s’est trouvée submergée par les demandes de plus de 2000 aveugles juifs à travers l’Hexagone. L’urgence était de faire prendre conscience aux instances communautaires des carences existantes pour aider d’abord les non-voyants à s’intégrer : faciliter l’accès aux fauteuils roulant dans les synagogues et les centres d’activité, créer des bibliothèques de livres à thème juif fonctionnant par correspondance.

Mais Naguila ne s’est pas arrêtée là. En 1982, elle ouvre une section pour les personnes voyantes handicapées moteurs. Dès 1984, l’association s’occupe de près de 15.000 personnes. Ne reculant devant rien, malgré le lourd handicap de certaines personnes, Naguila leur propose des rencontres, des sorties et même des voyages, certains organisés en Israël afin de pouvoir faire découvrir aux personnes à mobilité réduite le pays de leurs ancêtres. Suite à ces voyages, certains décideront de rester en Israël et de faire leur alya.

Au cours des ans, avec le développement de l’organisation, les activités s’étendent : communication filmée entre membres grâce à l’utilisation d’un caméscope, cours d’hébreu adaptés au handicap de chacun, initiation à l’informatique – aujourd’hui outil indispensable pour vivre indépendant.

Dans son optique juive plutôt religieuse et sioniste, sous l’impulsion de Janine Zerbib ayant fait son alya, Naguila décidé la création d’une association sœur à Jérusalem. En 1990, la section Naguilah Israël est mise en place par les anciens de Naguilah France. Janine Zerbib en devient la Présidente. Elle s’implique personnellement énormément dans l’association, donne beaucoup de son temps et déploie une grande énergie à défendre la cause des handicapés. Ainsi, Naguilah Israël aide à l’intégration des aveugles francophones à travers tout le pays, grâce à ses bénévoles.

 Il n’y a pas de distinction entre les 2 organismes qui travaillent en étroite collaboration. Tous les programmes français fonctionnent également en Israël : bibliothèque sonore de livres en Français, soutien pédagogique des étudiants, transcriptions Braille, adaptation de jeux, organisation de rencontres et de shabbats, etc. De plus, Naguilah-France envoie du matériel informatique spécifique en Israël. Ainsi, grâce à ces outils, les non-voyants acquièrent chaque jour un peu plus d’autonomie.

De son côté, Naguilah-Israël assure l’accueil des aveugles francophones, que ce soit pour leur alya ou un simple séjour.

Pour que l’association puisse continuer à exister, elle a besoin d’aide financière (les matériels coûtent chers) mais aussi d’aide bénévole. Les volontaires sont chargés des enregistrements des livres sur cassettes audio, de leur classement, de la tenue du fichier, de la préparation et de l’expédition des cassettes pour la bibliothèque sonore. Ils accompagnent également les personnes aveugles pour faire leurs courses, les amener chez le médecin, dans les dispensaires ou les administrations. Les volontaires peuvent aussi travailler au secrétariat de l’association et participer à l’élaboration du journal SaperliPopett, à la préparation et l’expédition du courrier, à la  planification des réunions, enfin à l’actualisation du site Internet (accessible aux non voyants à l’aide d’un ordinateur spécial à boite vocale) avec en plus sa lettre mensuelle audio, véritable mine d’informations pratiques et soutien actif pour les handicapés.

Ainsi, grâce aux outils informatiques et aux réseaux de bénévoles de Naguila, la spécificité de l’association est de proposer à son public une nouvelle manière de découvrir le monde par le biais des richesses de l’identité juive. L’apport de la foi et du judaïsme en particulier sont essentiels à l’intégration des invalides dans la vie courante. Le cheval de bataille de l’association repose également sur la lutte contre les préjugés à l’encontre des infirmes. Selon Janine Zerbib, le pire des handicaps reste l’ignorance qui amène à des comportements impropres envers les personnes diminuées physiquement. La société a peur de la différence et considère les handicapés comme des gens à part, chose qu’ils réfutent. Naguila se bat justement pour leur octroyer une place respectable et respectée dans la société.

Mais il semblerait, selon certains témoignages, que la société israélienne soit plus ouverte que la française face aux handicapés, aux différences. Elle les accepterait et les intègrerait mieux et plus facilement que dans l’Hexagone. De ce fait, Naguila ne constate pas de problème supplémentaire d’intégration en Israël pour les nouveaux immigrants déficients physiques. Un point encourageant important à souligner.

Grâce à Naguila et à son action concrète sur le terrain, des centaines de non-voyants et handicapés divers sont aujourd’hui actifs dans la société. Un bel exemple à suivre.

 

Noémie Grynberg 2009