Astronomie et Tora

Ciel

Dans le judaïsme, la marche du temps, définie par les lois immuables des astres, témoigne de l’amour éternel du Créateur pour Israël (Jérémie 31, 35-40). Aussi, le Professeur de mathématique Ely Merzbach explique les liens entre Bible et astronomie.

Nos sages étaient-ils des férus de mathématiques ?

Professeur Ely Merzbach : Oui et non. Ils comprenaient bien les mathématiques et l’astronomie de leur époque. Par exemple, nos érudits connaissaient les formules nécessaires au calcul du calendrier hébraïque. Ils savaient surtout faire le tri entre les notions sérieuses et les fantaisistes. C’est en cela qu’ils se montraient de grands savants.

Justement, comment Hillel l’Ancien a-t-il calculé l’année solaire par rapport aux mois lunaires ?

Professeur Ely Merzbach : La caractéristique de notre calendrier luni-solaire est qu’il se révèle très précis (mais pas à 100% car cela n’existe pas) et le plus simple à manier. Pour calculer le rattrapage entre l’année solaire et les mois lunaires, Hillel s’est basé sur la formule de Meton (astronome grec du 5e siècle avant J.-C., ndlr) : un cycle solaire de 19 révolutions comprend 235 révolutions lunaires autour de la Terre, soit 12 années normales de 12 mois et 7 années embolismiques de 13 mois. Pour savoir si l’année est intercalaire, il suffit de la diviser par 19 : lorsque le reste de la division égale 3, 6, 8, 11, 14, 17 ou 19, elle est « enceinte ». L’année 5774 s’avère très intéressante : c’est la plus longue avec 385 jours. En effet, en raison de la conjonction lunaire, suivant les cas, l’année normale juive comporte 353, 354 ou 355 jours et l’embolismique, 383, 384 ou 385. 5774 comptera donc des jours supplémentaires en Heshvan et Kisslev. De plus, pour que l’année suivante, Rosh Hashana ne tombe pas un mercredi (à cause de Kippour qui ne peut pas tomber un vendredi), un jour supplémentaire sera encore rajouté.

Existe-t-il une astronomie typiquement juive ?

Professeur Ely Merzbach : Non mais une astronomie qui a évolué dans l’histoire. Au Moyen-âge, les plus grands astronomes étaient juifs : Rabi Yitzhak Ha-Ysraeli (9e-10e siècle), Rabi Hiya de Barcelone (11e-12e siècle), Maimonide et Ibn Ezra (12e siècle) ou Gersonide (13e-14e siècle) pour ne citer qu’eux parmi de nombreux autres. Ces maîtres, reconnus au niveau mondial, ont contribué à faire avancer la science.

Quelle relation y a-t-il entre judaïsme et astronomie ?

Professeur Ely Merzbach : En tant que science des astres, elle permet de calculer la position des étoiles, décisive pour délimiter les horaires de fin de shabbat, le lever du soleil, l’angle solaire sous l’horizon qui détermine l’aurore. Pour les Juifs, l’astronomie, au service du calendrier, se révèle donc très importante. Purement scientifique, elle se base sur les mathématiques, la trigonométrie, la physique et l’optique, matières enseignées à l’Université.

Et l’astrologie ?

Professeur Ely Merzbach : Ce n’est pas une science. Elle a plus de rapport avec la divination. Or dans la Tora, il est écrit « lo tenaheshou ». Aussi, nos sages qui ne jouent pas avec la voyance, condamnent-ils l’horoscope.

Les astres influencent-ils cependant le destin d’Israel ?

Professeur Ely Merzbach : A priori non mais c’est un non mitigé car le Talmud enseigne que le jour de naissance d’une personne peut l’influencer. J’explique cela en disant que chez l’homme existent différentes tendances qu’il doit s’efforcer de canaliser de manière positive. Par conséquent, les astres n’exercent pas d’ascendant direct sur la conduite des hommes qui gardent leur libre arbitre pour servir dieu. Ainsi, nul besoin de compter sur la position des étoiles ou des astres car « Ein mazal leisrael ».

Que penser de la phrase de Maimonide : « l’astrologie est une maladie de stupidité qui répand les pires maux » (Avoda Zara 11, 8-9) ?

Professeur Ely Merzbach : En fait, nos sages ne sont pas d’accord entre eux à ce propos. Personnellement, je partage la position de Maimonide, la plus suivie aujourd’hui par nombre de rabbins. Selon ces derniers, il ne faut pas se référer à l’astrologie ou à l’horoscope mais rester des êtres simples, droits et accomplir son devoir.

Propos recueillis par Noémie Grynberg