Israël – OTAN : vers une alliance pour contenir la menace iranienne ?

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L’OTAN a pour principes le respect des valeurs démocratiques et le règlement pacifique des différends internes et internationaux. Mais depuis la fin de la Guerre Froide, le théâtre des opérations de l’Alliance Atlantique a changé et s’est déplacé de l’Europe vers la Méditerranée, le Moyen-Orient et au-delà. Car dans le cadre des missions de défense collective, la sécurité des pays de l’Alliance ne se situe pas nécessairement à ses frontières et peut prendre d’autres formes que les menaces militaires.

Depuis les années 1990, l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) a commencé à accorder une importance particulière à la Méditerranée et entamé un dialogue avec les pays du Maghreb et Israël en plus de partenariats non officiels établis avec les pays qui partagent les mêmes préoccupations de sécurité qu’elle. A partir de 1994, l’OTAN a ouvert la porte à des discussions avec des pays comme l’Egypte, Israël, la Jordanie, le Maroc, la Mauritanie, l’Algérie et la Tunisie. Mais sans grand succès cependant.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les relations de l’OTAN avec ses pays amis au Moyen-Orient sont passées du stade de dialogue à celui de partenariat. Dans ce cadre, les principaux acteurs de la région se sont vus offrir une coopération multilatérale pour combattre le terrorisme et la diffusion d’armes de destruction massive. Israël est le premier pays à avoir conclu un Programme de coopération individuelle avec l’OTAN. Ce plan constitue le cadre d’un dialogue stratégique portant sur toute une gamme de domaines allant du terrorisme au partage du renseignement et à la prolifération nucléaire, en passant par l’achat de matériel, la logistique et les opérations de secours. L’Etat hébreu a aussi rejoint le système de contrôle naval de l’OTAN en Méditerranée et participé à l’opération anti-terroriste "Active Endeavor" en rejoignant les forces de l’Alliance Atlantique qui patrouillent en mer.

En mai 2010, un rapport sur le nouveau concept stratégique de l’Otan a analysé les liens de causes à effet qui conduisent à l’émergence de menaces et provoquent la prolifération des armes nucléaires ainsi que le terrorisme. L’évolution de la stratégie des puissances nucléaires et son accroissement, si elle a déjà été freinée par le Traité de Non Prolifération (TNP), a bel et bien eu lieu et prend aujourd’hui une vigueur inquiétante : des cinq puissances nucléaires de 1970 (Etats-Unis, Russie, Grande-Bretagne, France et Chine), on est passé à dix (avec Israël, l’Inde, le Pakistan, Corée du Nord et bientôt l’Iran). La technologie nucléaire est plus accessible aujourd’hui. De ce fait, il existe un réel danger de voir des groupes non étatiques acquérir ou s’emparer de l’arme atomique. Actuellement, le nucléaire est sorti de la logique de dissuasion pour aller vers une logique d’utilisation. Le bouclier anti-missile devrait permettre d’utiliser l’arme atomique sans craindre de représailles et donc envisager un « premier usage ».

Selon le rapport 2010, les facteurs de risques conduisant à des menaces pour la sécurité des partenaires de l’Alliance sont :

– les ambitions de groupes terroristes internationaux ;

– la persistance de rivalités régionales, ethniques et religieuses aux effets corrosifs ;

– la concurrence pour le pétrole et d’autres ressources stratégiques (d’où l’importance de la sécurité maritime) ;

– l’évolution démographique qui pourrait accentuer des problèmes mondiaux tels que la pauvreté, la faim, les migrations illégales ou les pandémies.

Les conclusions de cette étude indiquent que deux menaces se profilent plus particulièrement :

– une agression militaire conventionnelle de type attaque balistique contre l’Alliance est improbable mais que l’éventualité n’est pas exclue ;

– des attentats perpétrés par des groupes terroristes internationaux.

La probabilité d’une attaque balistique vise principalement l’Iran ainsi qu’éventuellement d’autres pays du Proche-Orient. C’est tant la présence même de l’arsenal militaire actuel et futur que la potentielle intentionnalité de l’Iran de menacer les pays de l’OTAN qui constituent la menace.

Coopération Israël-OTAN

Selon Ronald D. Asmus, l’adjoint du secrétaire d’Etat américain chargé des Affaires européennes, les États-Unis ont déjà un engagement de fait pour la sécurité d’Israël. Théoriquement, tout président des USA garantirait la défense de ce pays si son existence était menacée par un Iran nucléarisé. De même, il y a peu de doute que des leaders européen tels que Angela Merkel, défendraient Israël contre une menace iranienne. En tout cas, la théorie basique de la dissuasion est plus crédible et plus efficace lorsque ses engagements sont clairs et dépourvus d’ambiguïté.

En attendant, la meilleure manière de fournir à Israël une sécurité additionnelle, c’est d’améliorer ses relations avec le bras collectif de défense occidental reposant sur un rapport OTAN-Israël amélioré. Dès 2004, un groupe d’Israéliens a souhaité favoriser un dialogue Israël-OTAN plus étroit. Depuis, un réel débat a émergé en Israël sur la construction de liens plus proches entre à la fois l’Alliance Atlantique et l’Union Européenne. L’Etat hébreu a également présenté à l’OTAN un plan pour une mise à niveau de la coopération bilatérale étape par étape. L’Alliance Atlantique a développé de 2005 à 2007 une relation de travail rapprochée avec Tel-Aviv, ce qui a pratiquement fourni à Israël un statut « de membre de fait ». En 2006, l’Etat hébreu a obtenu le statut d’observateur permanent à l’OTAN, ce qui lui confère un droit de veto sur les décisions de l’Alliance concernant directement les affaires du pays. Fin 2008, Israël et l’OTAN ont renforcé significativement leurs liens, notamment dans le domaine des échanges entre services de renseignement et d’informations sur les missiles balistiques ainsi que sur la prolifération nucléaire.

Récemment, anticipant une confrontation hypothétique avec l’Iran, l’OTAN et Israël ont fait un important exercice militaire commun pour tester l’intégration de l’Etat hébreu au système de défense antimissile américain.

Selon Shlomo Ben-Ami, ancien ministre israélien des Affaires Etrangères, pour Israël, la coopération avec l’OTAN traduirait un élément essentiel de légitimité dans ses rapports souvent troublés avec l’Occident. Elle améliorerait sa capacité d’intervention sur de nouveaux théâtres d’opération et son adaptation au profil changeant des menaces qui pèsent sur lui. L’adhésion d’Israël élargirait également sa marge de manœuvre vis-à-vis du gouvernement américain : il se libèrerait de l’image de pays isolé, mis au banc de la communauté internationale et avec pour seul allié les États-Unis, garants de sa sécurité.

Quant au ministre actuel des Affaires étrangères, Avigdor Liberman, il semble convaincu que l’intégration d’Israël à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord constituerait une mesure dissuasive majeure à l’égard de l’Iran.

Néanmoins, l’OTAN reste réticente à aller trop loin et trop vite avec Israël, préférant attendre davantage de progrès dans le processus de paix et avancer dans la coopération avec d’autres pays arabes méditerranéens. Du point de vue de l’Alliance Atlantique, il est hautement improbable que l’intégration totale d’Israël au sein de l’OTAN soit possible. Pour l’instant du moins…

Noémie Grynberg / Israel Magazine 2010