L’Afrique subsaharienne : la ruée vers l’or noir du nouvel Eldorado pétrolier

Guinee

L’envolée des prix du pétrole due aux récents soulèvements du monde arabe doublée de l’épuisement progressif des réserves mondiales d’hydrocarbures rendent les ressources subsahariennes davantage stratégiques pour l’Occident ou l’Asie encore trop dépendants du Moyen-Orient. Aussi, la conjoncture actuelle donne plus que jamais au continent noir l’occasion de renforcer sa place en tant qu’acteur énergétique sur la scène internationale. Désormais, l’Afrique est de plain pied dans la course à l’or noir.

Aujourd’hui, la structure globalisée du marché pétrolier et le caractère remplaçable du carburant impliquent que l’équilibre du marché et des prix soient déterminés par les exploitations secondaires. De fait, lorsque le marché est tendu (comme c’est le cas actuellement suite aux révoltes survenues dans les pays arabes), les baisses temporaires de production dues à l’instabilité politique et sociale dans les régions productrices se répercutent par une hausse du prix mondial de l’essence. Afin de modérer ces fluctuations énergétiques, les pays développés et émergeants cherchent des productions alternatives. C’est en Afrique qu’ils les ont trouvés.

Aussi, même si le continent noir n’en finit pas de se déchirer par d’innombrables guerres civiles, ethniques et religieuses fratricides, son riche sous-sol attire les convoitises. Avec près de 10 % des réserves de pétrole de la planète (contre moins de 8 % il y a dix ans), la région subsaharienne est dorénavant plus que jamais au centre de toutes les attentions car selon les experts, ce chiffre pourrait bientôt atteindre les 12 %.

Ainsi, dans le contexte actuel qui voit l’envolée des demandes de combustible (Chine, Inde, Etats-Unis) d’une part, et l’instabilité récente des dictatures arabes d’autre part, les Africains entendent bien profiter de leurs ressources naturelles pour accroître leur portée géopolitique et économique mondiale.

Hormis le Maghreb, les pays subsahariens producteurs/exportateurs de pétrole se répartissent en 5 régions : le golfe de Guinée (Nigeria, Guinée-Bissau, São Tomé-et-Príncipe, Côte d’Ivoire) ; l’Afrique de l’Ouest (Mauritanie, Sénégal, Ghana, Niger) ; l’Afrique australe (Angola, Madagascar, Mozambique) ; l’Afrique centrale (Cameroun, République Centrafricaine, Guinée Equatoriale, Gabon, Congo-Brazzaville, Tchad) et l’Afrique de l’Est (Soudan). L’Angola et le Nigeria représentent les 2 plus gros producteurs de brut du continent avec plus de 2200 barils/jours. Le Gabon est en quatrième position, après la Guinée Equatoriale.

Un continent à exploiter

Depuis plus de deux décennies, les réserves de brut de l’Afrique sont devenues un enjeu majeur dans la course aux hydrocarbures, donnant par là au continent noir une position non négligeable dans la géopolitique pétrolière globale. La montée des tensions dans le Golfe arabo-persique conjuguée à l’augmentation croissante des besoins énergétiques émanant des grands pays émergents et développés a orienté l’intérêt international vers l’Afrique en vue d’y accroître ses capacités de production. Aussi, la région subsaharienne attire de plus en plus les grosses compagnies pétrolières américaines, européennes et asiatiques. A titre d’exemple, les investissements sur le continent ont progressé de 4% en 2009 alors qu’ils avaient chuté de 16% au niveau mondial. En tout, plus de 250 milliards de dollars ont été investis cette dernière décennie.

Les découvertes de nouveaux gisements d’or noir au Ghana, en Côte d’Ivoire ainsi que dans la région des Grands Lacs ces dernières années, a renforcé l’essor économico-stratégique du continent, lui assurant une place grandissante dans l’exploitation mondiale avec 7% de la production planétaire, principalement en provenance du golfe de Guinée. Produisant autant que l’Iran, le Venezuela et le Mexique réunis, l’activité pétrolière africaine a augmenté de 40% entre 1990 et 2004, passant de 7 à 10 millions de barils par jour. Entre 2004 et 2010, elle se serait encore accrue de 50%.

Deux facteurs principaux expliquent ce boum pétrolier régional. Premièrement, les progrès notables réalisés dans l’exploration et la production en offshore profond et ultra profond (de plus de 500 mètres à 1500 mètres sous l’eau) ont considérablement amplifié le potentiel du brut africain. Ce phénomène, couplé à un prix du baril durablement élevé depuis plusieurs années, a permis aux entreprises pétrolières de s’intéresser à de nouveaux gisements autrefois non rentables. En conséquence, le brut subsaharien est destiné à se développer davantage dans le futur. Le golfe de Guinée devrait devenir à terme le premier pôle de production en offshore très profond avec 24 milliards de barils de réserve.

L’autre principal acteur du développement pétrolier africain est la Chine, qui du fait de sa croissance, connaît des besoins immenses en hydrocarbures. Elle est devenue un client majeur pour les pays exportateurs : les 2/3 de la production soudanaise sont ainsi achetés par les Chinois, qui tiennent également une grande place en Angola.

Des prévisions optimistes

La production pétrolière africaine est loin d’avoir atteint son maximum : ses gisements sont encore sous-exploités et des réserves restent à découvrir. Les spécialistes prévoient dans ce domaine une accélération de la croissance de 5,5 % en 2011. Et la production devrait représenter près de 15%  de l’activité mondiale vers 2020. Quant aux investissements, ils pourraient atteindre 30% du total de l’offshore d’ici à 2030.

De plus, la position géostratégique du continent noir fait que son pétrole peut être valorisé dans de très bonnes conditions en Europe comme en Amérique du Nord ainsi que sur les marchés asiatiques en forte croissance, comme la Chine.

C’est pourquoi à l’avenir, l’Afrique sub-saharienne, une des rares régions hors du Moyen-Orient et de la Russie qui ait un réel potentiel d’augmentation important de ses capacités de production, pourrait en partie soulager le monde de sa trop grande dépendance vis-à-vis du brut arabe.

Noémie Grynberg / Israel Magazine 2011