Nationalité et citoyenneté : qu’en est-il à l’heure de la globalisation ?

Globalisation

Mondialisation oblige, l’équivalence nationalité-citoyenneté (notions qui datenten Europe du XIXe siècle) laisse place à une nouvelle conception qui les décorrèle. Aujourd’hui, devant les flux migratoires, la séparation entre les deux termes se pose. Avec la crise de l’Etat-nation due à l’ouverture des frontières, le lien qui les unissait s’est désacralisé au profit d’autres allégeances. Assiste-t-on dès lors, dans les Etats modernes, à la rupture définitive du lien entre nationalité et citoyenneté, face aux appartenances politiques et culturelles ?

L’association citoyenneté/nationalité semble paradoxale. En effet, l’universalisme civique s’oppose au particularisme national.

La nationalité qui appartient à la sphère légale, est relative à une culture et à un destin commun découlant de la naissance (droit du sang : Allemagne, Suisse, Japon ; ou droit du sol : France, Belgique, Royaume-Uni). Elle désigne le lien juridique qui rattache une personne physique à un Etat déterminé. A l’inverse, la citoyenneté qui se rapporte à la sphère politique, demeure une aptitude autonome à choisir volontairement une communauté civique. Elle se montre plus partielle car celle-ci ne s’applique pas à tous les ressortissants d’un pays (mineurs, prisonniers, fous) mais à un groupe (majeurs ayant droits de vote) formé d’une multitude de sous-ensembles (ethniques, religieux, linguistiques, culturels, etc.) exerçant leur plein pouvoir démocratique. Il n’y a donc citoyenneté que s’il y a libertés publiques.

Citoyenneté politique

On distingue trois niveaux de citoyenneté : l’égalité des droits, la participation aux décisions populaires et la jouissance des droits politiques. La citoyenneté est partie prenante de la souveraineté, rattachée au principe de démocratie, à savoir de gouvernement du peuple. Selon Aristote, elle énonce « la capacité de commander et d’obéir alternativement ». Basée sur le contrat social, elle reconnait l’individu comme membre actif d’une communauté politique. Elle lui donne des droits (civiques, sociaux) et des devoirs (fiscaux, militaires), soit la capacité à prendre part aux choix qui le concernent et l’obligent. La citoyenneté permet donc une collaboration active et responsable des personnes aux affaires de la cité, soit à la gouvernance de la société dans laquelle elles vivent et contribuent à construire. De la sorte, c’est par le droit de vote que la société politique devient une société civile agissante.

Cependant, il existe plusieurs visions  de la citoyenneté. Selon l’idée républicaine (France), elle se construit en fonction de sa contribution à l’Etat et au bien collectif (droits contre devoir civique) alors que l’optique libérale (Etats-Unis) la voit comme base des relations personne/Etat (pas de préalable). Enfin la vision multiculturelle reconnait la diversité identitaire/communautaire de ses citoyens. Quoi qu’il en soit, la citoyenneté reste un facteur essentiel d’intégration.

Aujourd’hui, avec la mutation des Nations en pays multiculturels, la citoyenneté s’attache de plus en plus à l’identité et de moins en moins à la nationalité qui, classiquement, constituait son préalable. La globalisation remet par conséquent en cause la notion de citoyenneté acquise/innée. Aussi, parle-t-on de citoyenneté transnationale, qui transcende l’Etat-Nation (citoyenneté européenne). Ainsi de nos jours, il faut penser en termes d’identité multiple avec d’un côté un pôle national/ethnique et de l’autre, un pôle supranational.

Appartenance juridique à une Nation

La nationalité, attachée aux Droits de l’Homme, n’est pas la citoyenneté ; elle en est la condition nécessaire mais pas suffisante et ne dépend pas du type de régime politique. La loi de chaque Etat la détermine. Cette notion découle de l’idée de légitimité d’un groupe lié à une identité commune avec une forte dimension collective et crée un sentiment unifié s’exprimant par l’acceptation des règles d’un domaine public fédéré.

Nonobstant, deux définitions de la nationalité coexistent. D’après la vision jacobine (française), elle dépend de la volonté générale (Etat politique). D’après l’idée nationaliste (allemande), elle relève de la langue, de la culture et de la tradition (nation ethnoculturelle).

Il existe cependant des dangers à la nationalité ethnique : frein à la formation d’une culture politique large, affaiblissement des libertés collectives liées à la notion de peuple, tendance à l’intolérance.

A la fin du 20e siècle, les migrations ont remis à jour la question entre « nationalité ethnique » et « nationalité des citoyens ». Si à l’origine elle se rattachait à un territoire défini par l’Etat qui y exerce son autorité, ce n’est plus forcément le cas maintenant. Il s’agit désormais de savoir s’il convient toujours de lier la nationalité à la résidence sur un territoire donné.

Aujourd’hui, avec le multiculturalisme, l’ancienne conception de la nationalité vole en éclat au profit de l’identité culturelle, religieuse, ethnique des groupes/communautés au sein de la nation. Respectivement, en Angleterre, aux Etats-Unis ou en France, il est possible de se définir ethniquement tamoul, amérindien ou créole tout en étant de nationalité anglaise, américaine ou française.

De la sorte, dorénavant, la nationalité sert davantage à assurer l’égalité entre les ressortissants d’un même Etat et la tolérance envers ses minorités qu’à définir un préalable aux droits du citoyen.

Le cas israélien

L’Etat hébreu n’a jamais institué de « nationalité israélienne ». C’est l’ethnicité (juive, arabe, druze), définie comme nationalité, qui détermine les droits et les devoirs de chacun, notamment concernant le service militaire obligatoire. Cette dernière s’acquière par le droit du sang (filiation) plutôt que par le droit du sol.

Ainsi, Israël s’est de préférence focalisé sur le statut juridique de ses ressortissants d’après leur implantation géographique et non d’après leur nationalité. En effet, afin de respecter l’identité juive du pays aussi bien que les principes internationaux de droits, la notion de citoyenneté (naissance dans le pays) a été préférée à celle de nationalité (parents biologiques) en raison des minorités ethnoculturelles vivant dans le pays. De la sorte, la Loi israélienne englobe l’ensemble de la population, bien que l’Etat hébreu se définisse comme le foyer national juif. Par conséquent, Arabes, Druzes, Bédouins et Circassiens nés sur le territoire sont automatiquement des citoyens Israéliens. Ces minorités possèdent non seulement le droit de vote mais aussi celui d’être élu où d’accéder à des fonctions représentatives. C’est d’ailleurs le cas d’Ayoub Kara, ancien ministre druze, responsable du développement du Néguev et de la Galilée ainsi que de plusieurs députés arabes (Ahmed Tibi, Mohammad Barakeh) qui représentent au parlement environ 10% de la Knesset.

Cependant, les Arabes israéliens revendiquent de plus en plus la nationalité ‘’palestinienne’’ non seulement comme ethnicité mais aussi comme se rattachant à une entité politique. Autrement dit, ces derniers n’expriment pas un « vouloir vivre ensemble » au sein d’Israël (pas de convergence idéologique, politique ou spirituelle avec la majorité juive du pays) mais un désir d’allégeance extranationale.

Cela étant, en choisissant la nationalité palestinienne, les Arabes israéliens perdraient le droit de vote aux législatives, le droit à la députation et aux mandats électifs ou encore la possibilité d’accéder à la magistrature.

Noémie Grynberg / Israel Magazine 2013