Polémique autour de l’homéopathie

‘’Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément’’ écrivait Boileau au XVIIe siècle.  Cette citation illustre parfaitement la dispute séculaire qui oppose depuis fort longtemps partisans et adversaires de l’homéopathie. Alors que les rationalistes trouvent le concept abscond, les empiristes le décrivent comme effectif. Qui croire ?

Inventée au début du XIXe siècle en Allemagne, l’homéopathie est considérée aujourd’hui comme une médecine non conventionnelle c’est-à-dire une médecine douce, alternative, parallèle ou complémentaire. De tradition hippocratique, elle est sensée stimuler le processus naturel de guérison inhérent à tout organisme vivant, en prenant en compte les singularités de chacun. Cette technique thérapeutique est pratiquée un peu partout dans le monde par plusieurs professionnels de la santé : médecins, dentistes, vétérinaires, naturopathes, chiropraticiens. Elle est utilisée en prévention de certaines infections ou maux, en soulagement de troubles ou de douleurs et en réduction des effets secondaires des traitements anticancéreux. L’homéopathie est intégrée aux systèmes de santé publique de certains pays dont l’Allemagne, la France, l’Angleterre, l’Inde, et Israël. En France, l’homéopathie est reconnue par l’Ordre des médecins et est enseignée à l’université.

L’homéopathie comprend deux approches de traitement : l’une dite uniciste ou classique et l’autre pluraliste ou complexe. La première cherche un médicament unique pour soigner tous les états du patient. La seconde privilégie la prescription de plusieurs remèdes à la fois ou alors d’un remède complexe. Cette « médecine de l’expérience » repose principalement sur des données empiriques et conceptuelles. L’homéopathie ne distingue pas des maladies mais des types humains.

Or cette pratique n’est pas sans controverse. En effet, l’homéopathie se base sur deux principes : la loi de similitude (voir interview du Dr. Ayoun) et le procédé de haute dilution de produits souches d’origine végétale, animale ou minérale. Or ces deux fondements contredisent l’approche médicale classique.

La querelle des pour et des contre

Le débat oppose une position universelle ponctuelle objective scientifique (allopathie) à une position individuelle holistique subjective psychologique (homéopathie). Le problème demeure que l’homéopathie échappe à la démonstration scientifique de sa causalité.

Pour nombre de savants, cette médecine alternative ne repose pas sur des bases scientifiques mais plutôt sur la « foi » et sur des concepts métaphysiques périmés et erronés qui n’ont pas évolué depuis 150 ans. Selon eux, les très hautes dilutions font en sorte qu’il ne reste pas la moindre trace mesurable du produit original dans le produit final qui ne pourrait donc pas avoir d’action thérapeutique spécifique. Certains parlent même de pratiques magiques avec des produits qui ne vaudraient pas mieux que de l’eau bénite. Pour ces chercheurs, l’homéopathie est taxée de médecine irrationnelle. Elle agirait comme un effet placebo pour celui qui y croit.

A l’opposé, les tenants de l’homéopathie rétorquent que leurs adversaires mènent une lutte idéologique plutôt que scientifique car de plus en plus d’expériences prouveraient que des produits très hautement dilués ont une action biologique claire.

Pour l’instant, aucune étude clinique sérieuse n’aurait prouvé hors de tout doute que l’homéopathie serait plus efficace qu’un placebo (auto persuasion, attitude empathique, etc.) D’après les recherches, le concept d’ultra-dilution selon lequel l’eau pourrait conserver l’empreinte d’une substance préalablement dissoute n’est pas scientifiquement plausible.

Autre contradiction : alors que l’homéopathie prétend se baser sur la notion d’individuation des remèdes, certains produits vendus en pharmacie indiquent ‘’produit homéopathique valable pour tous’’. Antinomique, non ?

Points de vue des praticiens

Pédiatre de formation, le docteur Yossefa Cohen s’est détournée de la pratique allopathique pour se consacrer uniquement et entièrement à la médecine homéopathique uniciste. Son approche est empathique.

Qu’est-ce que l’homéopathie classique?

Dr. Yossefa Cohen : Nos rabbins enseignent que la maladie est due à une faute de l’âme. Les homéopathes donnent une définition de la maladie moins spirituelle : selon eux, il s’agit d’une désorganisation de l’énergie vitale. Il ne peut y avoir retour à la santé générale que lorsque ce principe vital est restauré. Le terme homéopathie vient de la langue grecque : HOMEO = semblable et PATHIE = maladie. C’est Hippocrate qui affirmait qu’il existe une similitude entre l’action toxique d’une substance et son action thérapeutique.

En quoi consiste la consultation chez un homéopathe ?

Dr. Y. C. : Le médecin doit d’abord connaitre le motif de la visite. Comme le caractère du patient constitue l’essentiel plutôt que la maladie elle-même, celui-ci doit se raconter : colère, peurs, sensibilité, angoisse, etc. Ses traits physiques comptent également : transpiration, appétit, envie, dégout alimentaire, sommeil, etc. Tous les symptômes du malade sont ensuite consignés et comparés selon un répertoire afin de trouver le "similinum" c’est à dire le remède homéopathique adéquat. Ce similinum va permettre au médecin d’évoquer la nature du conflit inconscient qui déséquilibre le patient. L’administration du remède engendre le plus souvent la disparition des signes de la maladie mais surtout le retour à une énergie vitale et à un équilibre psychique.

Quelle différence existe-t-il entre les médicaments traditionnels et les médicaments homéopathique ?

Dr. Y. C. : L’homéopathie soigne l’ensemble de l’individu, pas seulement un organe malade. Les médicaments homéopathiques ne sont pas des aliments même s’ils sont à base de produits végétaux ou animaux. Ce sont des substances actives.

L’homéopathie peut-elle remplacer les médicaments traditionnels ?

Dr. Y. C. : Non mais parfois, je complète un traitement homéopathique par de la phytothérapie dans l’intérêt du patient. Globalement, l’homéopathie enlève le symptôme contrairement à l’allopathie.

Que peut-on soigner par l’homéopathie ?

Dr. Y. C. : Toutes les maladies. Elle soigne surtout l’individu et transforme l’être intérieur, profond.

Dans quels cas prescrivez-vous un traitement homéopathique ?

Dr. Y. C. : Dans tous les cas, qu’il s’agisse de mongolisme, d’autisme, de dépression, de cancer, de leucémie ou simplement de rhume. Les soins permettent l’épanouissement de l’être dans tout son potentiel. Ce sont des traitements de l’âme, du psychisme. Ils augmentent l’intensité du ‘’programme’’ inscrit en chacun de nous afin de pouvoir dépasser ses problèmes et ainsi guérir. Cela agit comme une sorte d’auto-psychanalyse. J’appelle cela une médecine spirituelle.

Quand l’homéopathie se révèle-t-elle  efficace, indispensable voire irremplaçable ?

Dr. Y. C. : Une pathologie se déclare uniquement lorsqu’il y a conflit psychique entre le corps et l’âme. J’essaie de trouver le remède juste. Je suis de l’école classique qui prône l’ordonnance d’une médication unique pour l’ensemble de la personne. Il faut donc ‘’piquer dans le mille’’. Si c’est le cas du premier coup (la plupart du temps), c’est comme une nouvelle naissance pour le patient qui ressent au bout d’à peine quelques jours, un mieux être.

Qu’apporte de plus l’homéopathie par rapport à l’allopathie ?

Dr. Y. C. : C’est une médecine compète qui prend en compte tout le psychisme du patient. Elle aide ce dernier à accepter le ‘’programme’’ enfoui en lui et à le comprendre tout seul. L’homéopathie permet à l’individu de se réconcilier avec lui-même.

Avez-vous cependant des critiques vis-à-vis de cette pratique ?

Dr. Y. C. : Je crois qu’elle donne un énorme pouvoir au praticien qui en retire beaucoup d’orgueil. Cela a été mon cas lorsque j’exerçais à Paris. Mais depuis, j’ai compris. Ici, c’est différent.  Je suis revenue à plus d’humilité. Je pense aussi que l’homéopathie est assez mal développée en Israël car elle est pratiquée par des non médecins. A part cela, non, je ne vois pas d’autre critique.

Quelles sont selon vous, les limites de l’homéopathie ?

Dr. Y. C. : Celles inhérentes à chaque individu. Si je ne comprends pas le patient, je suis impuissante à le soigner.



Le docteur Charles Ayoun quant à lui est médecin généraliste et acuponcteur. Contrairement à sa collègue, il pratique allopathie et homéopathie complexe en synergie.Son  approche est palliative.

Pourquoi avoir choisi l’homéopathie alors que vous êtes médecin conventionnel au départ ?

Dr. Charles Ayoun : J’ai commencé par un doctorat en philosophie. Cela m’a conduit à une réflexion sur la maladie et les médecines douces. Je considère l’homéopathie comme une médecine de prévention contrairement à l’allopathie qui soigne les signes une fois qu’ils apparaissent. Au contraire, l’homéopathie traite les signes avant que la maladie ne se déclare. En tant que traitement préventif, elle permet de minimiser les effets.

Quels types de traitement homéopathique prescrivez-vous ?

Dr. C. A. : Je travaille soit en exclusif soit en complément de l’allopathie. Mais on ne peut pas supprimer un traitement conventionnel. Il ne faut prendre aucun risque par exemple en cas d’hypertension. Cependant, on peut tenter de changer le terrain pathologique. Les traitements complémentaires fonctionnent bien aussi sur les enfants, par exemple pour les maladies ORL. Chez l’adulte, ils sont efficaces contre les insomnies ou pour aider à la perte de poids.

Comment expliquez-vous que l’homéopathie opère alors que d’après les tests scientifiques, les doses prescrites diluées à haute échelle deviennent inefficaces ?

Dr. C. A. : Pour faire simple, le principe repose sur la conservation ou la mémoire de la substance diluée qui, mise en relation avec l’organisme, permet de l’équilibrer. C’est en quelque sorte guérir le mal par le mal, semblable au mécanisme de vaccination qui stimule les défenses immunitaires. Il s’agit du traitement des semblables par les semblables. Ainsi, une substance toxique à hautes doses peut, à doses infimes, soulager un malade. Autrement dit, ce qui engendre une pathologie guérit aussi cette même pathologie.

Que répondez-vous aux sceptiques ?

Dr. C. A. : Les critiques sont justifiées lorsque l’on tente de simplifier une chose complexe. A mon sens, l’homéopathie est un art, pas une discipline car il est vrai qu’elle n’est pas démontrée scientifiquement. C’est une pratique fondée sur la personne. Du coup, on ne peut pas reproduire les mêmes effets d’un individu à l’autre. L’homéopathie reste complémentaire de l’allopathie. C’est une médecine de prévention. Il est en effet plus facile de prévenir que de guérir. C’est pourquoi, ces traitements supplétifs prennent du temps.

Comment reconnaître un bon praticien d’un charlatan ?

Dr. C. A. : Il faut absolument que le praticien soit docteur en médecine, formé dans une école spécialisée et suivre une formation continue. L’homéopathe doit aussi répondre au protocole à savoir déceler la sensibilité de chaque individu, choisir ses patients. Il a également l’obligation d’annoncer dès la première visite, le taux de réussite sans effet secondaire du traitement complémentaire proposé. Cela nécessite une grande expérience de la part du médecin. Si celui-ci vous garantit une réussite au-delà de 70%, c’est qu’il n’est pas honnête.

Faut-il arrêter les traitements conventionnels lorsque l’on se soigne à l’homéopathie ou bien les deux thérapeutiques sont-elles compatibles ?

Dr. C. A. : Tout traitement homéopathie est utile en appoint à l’allopathie. Il permet de réduire les effets secondaires dus aux médications conventionnelles. L’homéopathie est une médecine qui trouve sa place à côté de la médecine officielle.

Toutes les homéopathies se valent-elles ?

Dr. C. A. : Il existe deux écoles : celle préconisant l’administration d’un seul produit par personne et celle recommandant l’emploi de plusieurs remèdes par personne. Pour ma part, je me situe plutôt dans la seconde. En France, les deux sont équivalentes. En Israël, l’homéopathie se développe de plus en plus mais pour l’instant, elle souffre d’une pratique principalement par des non médecins, ce qui nuit à la discipline. De plus, les médicaments sont plus chers qu’en France et ne sont pas remboursés par les caisses maladies.

Quelles seraient vos recommandations pour les novices ?

Dr. C. A. : Le praticien doit se montrer très vigilent face au patient qui vient le consulter. Il faut absolument que votre homéopathe soit médecin. C’est essentiel. Il doit, de plus, vérifier que tous les traitements allopathiques ont été tentés afin de définir la place du traitement alternatif.


Noémie Grynberg 2011