Guilgal, le seuil de la conquête de Canaan

Le nom de Guilgal (cercle en hébreu) est évoqué 39 fois dans le Tanakh (Devarim, Josué, les Juges, Samuel, les Rois, Osée, Amos). Premier site du camp Israélite à l’ouest du Jourdain, près de Jéricho, c’est là que Samuel exerça comme juge et que Saul fut couronné. Ce lieu resta un centre juif important jusqu’au temps du Second temple.

Quarante ans après sa délivrance d’Egypte, le peuple hébreu passa le Jourdain le 10 du mois de Nissan. « Le peuple sortit du Jourdain le dixième jour du premier mois et il campa à Guilgal, à l’extrémité orientale de Jéricho » (Josué 4 :19).

Durant les trois jours qui suivirent, une circoncision de masse fut organisée pour les hommes issus de la génération née dans le désert. Et le 14 Nissan, le peuple juif organisa le premier sacrifice pascal en terre d’Israel. Le lendemain, il mangea le premier pain sans levain cuit à Canaan. « Les enfants d’Israël campèrent à Guilgal et ils célébrèrent la Pâque le quatorzième jour du mois, le soir, dans les plaines de Jéricho » (Josué 5 :10). Tous ces événements sont relatés dans la Haftara du 1e jour de la fête.

Chroniques des Hébreux à Guilgal

Historiquement, l’endroit fut le premier campement des Hébreux après leur traversée du Jourdain. Là furent dressées en cercle douze pierres rapportées de la rivière, en souvenir de ce passage signifiant la fin de l’esclavage d’Egypte. A Gilgal, les enfants d’Israel devinrent un peuple libre, renouvelant l’alliance avec Dieu en la réalisant sur sa Terre.

Selon la tradition rabbinique, ils y campèrent durant 14 ans, le temps de la conquête du pays et de son partage entre les tribus. Au début, Josué semble avoir tenu son quartier général dans cette ville-frontière entre le camp de Juda et de Benjamin.

Mais à l’époque des Juges, le site devint un lieu d’idolâtrie et de culte païen.

Plus tard, c’est à Guilgal que s’instaura la monarchie au temps de Saül et de Samuel. Là, le roi fut oint deux fois : la première, son autorité fut rejetée par les Hébreux, la seconde acceptée par le peuple réunifié. Samuel convoqua alors le monarque pour qu’il offre des sacrifices à l’occasion de son élection royale. Guilgal redevint ainsi un lieu dévoué à Dieu et Saül en fit sa base militaire. De son côté, le prophète transforma également la place en l’un des trois tribunaux d’Israel.

Durant la guerre contre Agag, roi des Amalécites, Samuel tua celui-ci à Guilgal, selon l’ordre divin non exécuté par Saül. Ce qui valut au monarque d’être destitué de son trône.

Ensuite, il semble que la localité fût choisie pour ressouder les Hébreux à la fin de la période des Juges, parce qu’elle représentait le dernier endroit où les tribus d’Israel s’étaient unies sous Saül et avaient agi comme un seul peuple.

Au temps des Rois, quelques siècles plus tard, le prophète Elisha, de passage à Guilgal où se trouvait une école de prophètes, réalisa un miracle : alors que des étudiants mangeaient un ragout empoisonné, Elisha jeta de la farine dans la marmite. Ce qui annula l’empoisonnement.

Environ 100 ans après, sous Osée et Amos, Guilgal figurait comme le principal et le plus populaire centre rituel du royaume d’Israel. Pourtant, pour Osée, il symbolisait la méchanceté du peuple, sa vie luxueuse, décadente et immorale.

La ville fut détruite en même temps que le royaume d’Israel en -722 par le roi assyrien. Sous Josias, 16e roi de Juda (de -639 à -609), tout fut mis en œuvre pour effacer Guilgal et sa sainteté de la mémoire nationale, afin de maintenir le caractère unique de Jérusalem comme seul lieu rituel d’Israël.

La cité est à nouveau mentionnée lors de la bataille du Grand prêtre Jonathan l’Hasmonéen contre le Gouverneur Séleucide de la Judée occupée, Bacchidès (ou Bacchides).

Du fait dû séjour du Tabernacle et des grands événements qui s’y déroulèrent, Guilgal resta un site important jusqu’au temps du Second temple.

Finalement, à l’époque des premiers chrétiens, la ville devint byzantine.

Où se trouve Guilgal aujourd’hui ?

À la lumière du verset de Josué évoquant sa position à l’est de Jéricho, de nombreux chercheurs ont identifié le lieu avec un petit monticule comportant plusieurs ruines, situé à environ 2,5 km de là. Toutes n’ont pas encore été étudiées. Il se peut qu’elles contiennent des éléments permettant de localiser l’emplacement du Tabernacle, de la colline de la circoncision et de l’ancienne ville elle-même.

Certains spécialistes pensent que l’antique campement se trouve actuellement près du monastère grec orthodoxe appelé Deir Hijleh ou Hein Hadjalé, devant le mont Nevo (aujourd’hui en Jordanie). Ce nom arabe évoque celui de la ville juive de Beit Hougla inscrit sur une carte byzantine datant du 6e siècle. Sur celle-ci figure une église à 12 fenêtres comprenant l’inscription : « Guilgal et ses 12 pierres », référence à l’épisode du passage du Jourdain par les Hébreux à leur entrée en Canaan. Selon les données géographiques, ce site correspond davantage aux descriptions bibliques : source d’eau, palmiers donnant des fruits et distance de Jéricho coïncidente. Lors de fouilles archéologiques, des restes de la cité byzantine construite sur les ruines de la ville juive datant du Second temple ont été découverts.

Enfin d’après les chercheurs, la hauteur se trouvant entre Deir Hijleh et Qasr al-Yahud (« le château des Juifs » ou « la traversée des Juifs » en arabe) administré par l’Autorité de la Nature et des Parcs d’Israël, pourrait se révéler être Guivat Haaralot, la colline où fut réalisée la cérémonie de circoncision des Bné Israel pour leur entrée en Terre sainte. En effet, une équipe archéologique y a trouvé des morceaux de silex que, d’après le récit de la Bible, Josué aurait utilisé pour l’opération.

Aujourd’hui, la visite du site de Guilgal s’effectue à pied entre Beit Hougla et la rivière du Jourdain. Le beau paysage semi désertique présente parfois des affaissements de terrain et cache quelques grottes.


Noémie Grynberg 2016