Méguido la convoitée

Meggido

Pendant très longtemps, Megiddo domina la plus importante route commerciale internationale du Proche Orient. Elle était bordée de temples, palais, fortifications. C’est là que se déroulèrent des batailles épiques qui décidèrent du sort de la partie occidentale de l’Asie. Elle devint le premier pied à terre des Egyptiens dans cet empire, quand le Pharaon Tutmoses III conquit Canaan. C’est encore à Megiddo que Salomon installa le centre administratif de la région nord de son royaume. 

Ancienne ville canaanite et israélite du côté sud de la vallée de Jézréel, l’histoire de Megiddo est très riche en raison de son environnement propice à l’élevage et à l’agriculture. Fameux site biblique du nord d’Israel, à 10 minutes du Kineret, Megiddo est un croisement qui relie la Basse Galilée au reste du pays. Sa position stratégique au carrefour de deux routes, l’une militaire et l’autre commerciale, donna à la ville une importance depuis la plus haute antiquité. Construite sur un mont surplombant « la route de la mer”, Megiddo fut la voie principale allant de l’ancienne Egypte à la Mésopotamie qui relia les villes phéniciennes à Jérusalem et à la vallée du Jourdain.

Habitée de la fin du IVe millénaire avant J.-C. jusqu’à 350 avant J.-C. environ, la ville fut fréquentée dès le Néolithique précéramique.

Le site a fait l’objet de fouilles depuis 1903. De 1925 à 1939, il fut excavé et l’université de Chicago y entreprit un programme ambitieux qui, après la Seconde Guerre mondiale, fut repris par une équipe israélienne. D’autres petits sondages y ont été réalisés en 1960 et plus tard.

Les excavations ont révélé l’existence de plus de 20 niveaux, commençant avec la période chalcolithique (transition entre le néolithique et l’âge de bronze) au 4 millénaire. Les vestiges retrouvés à Megiddo datent d’une époque antérieure à 3300 av. J.-C. Le premier village est composé de maisons de briques crues rondes, puis carrées. Vers 3000 av. J.-C., un édifice cultuel en briques fut érigé. A l’âge de bronze (période canaanite), un 1er temple fortifié fut construit similaire à celui découvert à Shechem, ainsi qu’une place forte et un mur épais de 8 mètres. Il fut recouvert vers 2650 av. J.-C. par un grand autel circulaire de pierre entouré d’une enceinte. De nombreux os et des tessons furent retrouvés alentour. Les vestiges identifiés en contre-bas — la ville était alors construite en terrasses — pourraient être ceux d’un palais. Des temples furent édifiés progressivement autour de l’autel, dont trois de type mégaron (protohistorique), probablement construits à l’âge de bronze. Ils permettent d’établir que Megiddo fut d’abord un centre religieux de première importance : l’aire sacrée témoigne d’un culte qui aurait duré quelque 2.000 ans.

La ville fut ensuite un centre militaire puissamment fortifié équipé de silos, d’entrepôts, de casernes et de palais.

Une cité riche très disputée et convoitée

Au début du IIe millénaire av. J.-C., la cité passa vraisemblablement aux mains des Amorites — peuple syrien. Puis, comme toutes les cités canaanites, Méguido tomba aux mains des Hykos au 18-16 siècles avant J.-C. Les conquérants renforcèrent alors la muraille d’enceinte. A l’époque de la 12 dynastie d’Egypte, une statue trouvée dans les excavations indique qu’un gouverneur égyptien a probablement résidé à Méguido à cette période. Sous la souveraineté égyptienne, la ville fut gouvernée simultanément par un roi local et un commandeur de garnison égyptien.

Approximativement en 1469 avant J.-C., la ville que prit le pharaon Thutmosis III aux Syriens, était pourvue de riches demeures et d’une enceinte de pierre. Il donna à la ville un accès à la côte. Il vainquit une coalition de Canaanites et de Hittites et captura la ville après un siège de 7 mois.

Sous une des chambres du grand palace, près de la porte, a été trouvé un riche trésor d’or, de bijoux et de 200 tablettes d’ivoire et de lapis lazuli qui attestent de la prospérité de la ville canaanite fortifiée à l’époque de Ramsès III et Ramsès IV. Une tablette cunéiforme comprend un fragment de l’épopée de Guilgamesh.

Cette période éclatante de la civilisation égypto-cananéenne s’est prolongée jusqu’en 1130, époque où l’on constate une destruction brutale de la ville.

La cité suivante (12-11e siècle) fut pauvre et non fortifiée et d’une composition ethnique peu claire.

La tradition biblique de Méguido

D’après la tradition biblique, Méguido est citée dans Josué, les Juges et les Rois. Elle fut conquise par les Hébreux seulement sous le règne de David. Après diverses destructions, il faut attendre le règne du roi Salomon (après l’an 1000) pour observer une reconstruction significative de la ville. Elle se couvrit d’imposants monuments protégés par une muraille. Les installations d’eau furent construites à cette époque. Un tunnel relié à une source cachée à l’extérieur des murs et qui débouchait dans un puits vertical creusé à l’intérieur de l’enceinte assurait astucieusement l’approvisionnement en eau en cas de siège. Salomon fortifia la cité et l’inclut dans son 5 district. La cité fut largement occupées par 3 unités de 5 écuries rectangulaires avec une capacité de 492 chevaux. Ces travaux seront achevés sous le règne du roi Akhab. La population de Mégiddo a dû osciller entre 5.000 et 6.000 habitants à cette époque.

Cependant, le nom de Megiddo est associé à la mort à car c’est là que périrent deux rois de Juda : Ochozias vers 842 avant J.-C. et Josias en 609 avant J.-C., le roi fidèle, qui tenta d’arrêter la montée du pharaon Néko II vers l’Assyrie. En 733, Téglat-Phalassar III, roi assyrien (745-727), conquit Megiddo qu’il fit reconstruire avec soin : la ville devint alors le chef-lieu d’une province assyrienne incluant la Galilée et la vallée de Jézréel. La ville fut ensuite conquise par les Égyptiens (609 av. J.-C.) et peu après par les Perses.

Le déclin de la ville s’amorça. Devenue une simple petite cité perse, l’importance de Méguido diminua peu à peu jusqu’à s’éteindre. Deux siècles et demi plus tard, elle n’était plus que ruines et on n’en entendit plus parler pendant longtemps.

Synonyme de désastre pour les armées qui s’y rassemblaient, il est admis que le mot Armageddon soit dérivé de Mégiddo : le préfixe ”har” signifie “mont” en hébreu; d’où Armageddon signifie “mont de Megiddo.”

Ce n’est qu’en 1799, lors de la campagne de Napoléon contre les Turcs que Méguido reprit place dans l’Histoire, ainsi qu’en 1918 lorsque Allenby défit ces mêmes Turcs à Méguido.

Enfin, à l’époque de la création de l’Etat d’Israel, un petit kibboutz fut fondé là par des pionniers originaires de Pologne en 1949. Aujourd’hui, il propose des commodités d’hébergement pour familles et groupes en villégiature.

Actuellement, à proximité du site, un musée permet aux visiteurs de localiser les points importants à l’aide de cartes, de photographies et d’une remarquable maquette de la ville au temps du roi Akhab; divers objets exposés dans des vitrines donnent un aperçu de la culture qui s’est développée à Megiddo tout au long des siècles. Un voyage intéressant à travers l’histoire passionnante des civilisations qui se sont succédées sur notre sol tant convoité.

 Israel Magazine / Noémie Grymberg 2003