Peki’in, à l’origine du Livre de la Splendeur

Peki In

Au cœur de la Haute Galilée, surplombant la vallée de Beit Hakerem, le village pittoresque et plein de charme de Peki’in se situe à environ 7 kilomètres à l’est de Ma’alot Tarshiha, au nord de Carmiel. A 620 mètres d’altitude, le bourg mérite une petite promenade parmi ses belles ruelles étroites pavées de pierres, ses maisons anciennes au charme paisible d’antan avec balcons en fer forgé, ses restaurants caractéristiques, ses magasins multicolores et son usine de fabrication de savons à l’huile d’olive. Entourée de montagnes, la colline verdoyante de Peki’in – comprenant grenadiers, oliviers, vignes – offre à ses visiteurs une expérience qui transcende le temps et les invite à voyager à travers l’histoire. Accueillant des milliers de touristes chaque année, Peki’in propose un tour entre terre et ciel, où cultivateurs se mêlent aux kabbalistes et où racines de la tradition rencontrent monde moderne.

En 1995, au cours du pavage d’une route, une impressionnante grotte de stalactites fut découverte. Servant autrefois de nécropole, elle contenait des sarcophages en céramique, des cruches et des fragments d’os. L’histoire de la localité remonte à la période chalcolithique (âge du cuivre – 4500 ans avant l’ère vulgaire) lorsque l’homme colonisa la région pour ses sources naturelles et ses sols fertiles.

L’épopée juive de la cité commença dès l’Antiquité, lorsque trois familles sacerdotales servant au Temple de Jérusalem, arrivèrent en Galilée pour fuir les persécutions romaines. Elles s’installèrent dans le village où fonctionnait la maison d’étude d’un Sage de premier plan, Rabbi Yehoshua Ben Hananya. Depuis lors et jusqu’à ce jour, d’après plusieurs sources historiques, la chaîne générationnelle de la présence juive à Peki’in s’est poursuivie presque sans interruption et la localité reste l’une des seules d’Israël dont les résidants ne furent pas dispersés en diaspora. En effet, Peki’in fut habité pendant près de 2000 ans par des paysans juifs et des descendants des prêtres, qui au XVIIIe siècle, se diversifièrent dans l’industrie de la soie. Pendant la période ottomane (1516 – 1918), la plupart des propriétaires Juifs de Peki’in préfèrent abandonner leur propriété plutôt que de souffrir de la domination turque. Les agriculteurs restant fournissaient produits laitiers, miel, citrons et pommes aux marchés du pays.

L’installation de la population arabe à Peki’in ne débuta qu’au XIe siècle, celle des Chrétiens arrivés avec les Croisades au XIIe siècle et enfin celle des Druzes seulement au XVIIIe siècle.

Retour aux sources

Au centre de Peki’in, sur les ruines de la maison d’étude de Rabbi Joshua Ben Hanania se dresse une synagogue typique du style de l’époque du Second Temple, rénovée à la fin du XIXe siècle. Personne ne connaît l’âge exact de l’édifice. Il renferme dans ses murs deux plaques de pierre incisées dont la tradition locale raconte qu’elles proviennent des ruines du Temple, sauvées et emportées par des réfugiés juifs. L’une représente un chandelier à 7 branches, l’autre l’arche d’alliance. La légende affirme que seul le village de Peki’in conserva sans interruption sa synagogue (visitable), même après le déclin du judaïsme en Galilée au temps des Croisades.

Les environs du site possèdent un important éventail de monuments religieux uniques, notamment la tombe de Rabbi Oshaya Tiriya à l’ouest du village, celle de Joshua Ben Hananya et celle du Tanna Rabbi Yossi Damen, aujourd’hui entourée de vigne et d’un jardin potager. Ces pieuses sépultures sont devenues une attraction pour tous les résidents de la région, y compris les non-Juifs, qui attribuent à ces Sages des pouvoirs de guérison et de bénédiction.

Au sud de Peki’in se trouve la fameuse grotte du Rashbi (Rabbi Shimon Bar YoHaï), faisant partie d’un ancien ensemble troglodyte. A l’époque, la cavité s’étendait jusqu’à Meiron mais un tremblement de terre semble l’avoir détruite en partie. Selon plusieurs midrashim, c’est là qu’après l’effondrement de la révolte de Bar Kokhba (135 après J.-C.), le sage se cacha avec son fils Rabbi Eléazar durant 12 ans, pour échapper à sa condamnation à mort décrétée par les Romains pour avoir publiquement critiqué leurs lois oppressives. Ainsi, durant ces longues années de retraite, Rabbi Shimon se nourrit uniquement de caroubes et d’eau que l’Eternel fit pousser et jaillir devant la grotte pour assurer sa subsistance. Dans son abri, Bar YoHaï rédigea en araméen le livre du Zohar, fondement ésotérique de toute la Kabbale, ainsi que tous les édits du Sifri (Midrash sur la Halacha). Lorsque l’empereur romain Hadrien mourut, le prophète Elie vint devant la cachette annoncer au Tanna reclus, l’annulation des décrets du tyran. Aussi, le Rashbi, probablement le plus important répétiteur de l’histoire juive, disciple de Rabbi Akiva et 13e génération des tannaïm, occupe une place importante dans le Talmud et les ouvrages connexes.

Chaque jour, à l’entrée de la petite grotte, les pèlerins déposent bougies, pièces de monnaie et des jarres d’huile. Devant la cavité, on peut encore voir un caroubier et à ses côtés une source qui au printemps, est sensée approvisionner Peki’in en eau potable.

La pérennisation de Peki’in

Particulièrement à Lag Ba’Omer, jour anniversaire de la mort de Rabbi Shimon Bar Yohai, des centaines de milliers de fidèles se recueillent sur sa tombe, allument des chandelles prient, plantent des tentes sont, allument des feux de bois, préparent des grillades. Le Hida (Yosef Haim David Azoulai) raconte que c’était la volonté du Rachbi d’être joyeux ce jour-là. La coutume de ce pèlerinage fut, elle, instaurée par le Arie Hakadoch et ses élèves.

Enfin, qui croit ne pas connaitre Peki’in serait bien surpris de découvrir que depuis 1995, sur les billets de 100 Shekels figurent au verso un point de vue du village réhabilité par le premier Président de l’Etat d’Israël, Yitzhak Ben-Zvi, la synagogue rénovée en 1950 à son initiative, le caroubier et la grotte ainsi que l’ancienne pierre du Temple représentant un chandelier.

Noémie Grynberg 2012