Kerem Hatémanim (la vigne des Yéménites)
Découverte urbaine, ce coin est un îlot de vie de 80.000 habitants, à quelques pas de la plage Gueoula. Quartier assez traditionaliste, la majorité des descendants de ses fondateurs y vit encore. Son architecture est basée sur le modèle des anciens ghettos du Yémen avec des touches de style colonial britannique.
Situé dans le sud de Tel Aviv entre les rues Allenby (près du marché Carmel) et Hakovshim, entre la tour Opéra et l’hôtel Intercontinental, ce quartier date de 1881. C’est un des plus anciens de Tel Aviv-Jaffa. Construit par des pionniers yéménites de la première et seconde Alya qui souhaitaient créer un petit village agricole près de Jaffa, c’est la première implantation juive en dehors de Jaffa. Les immigrants sont des Juifs pratiquants, parmi eux plusieurs grands sages : Yéhié Nahum, Abraham Alnadaf ou Shalom Itzhak Halévy.
Le quartier se développe bien avant la fondation de Tel Aviv même. Il se caractérise par des constructions basses, des cours intérieures, des maisons mitoyennes et d’étroites ruelles. Du fait de la pauvreté des premiers immigrants, les logements originels sont construits avec des matériaux de récupération glanés sur place. Tout autour, les Yéménites plantent des vignes, d’où le nom de l’emplacement qui devient officiel en 1903. Sous le Mandat britannique, beaucoup de jeunes du faubourg s’engagent dans différents mouvements de résistance.
Aujourd’hui, le quartier s’est embourgeoisé et compte une classe moyenne éduquée et cultivée. Ce secteur gagne aussi en popularité auprès des plus jeunes et des académiques. La proximité des plages y est pour beaucoup. La plupart des nouveaux résidents sont tant laïcs que religieux. Kerem Hatémanim est aussi connu comme centre spirituel grâce à la longue tradition culturelle du lieu et de son judaïsme observant. Il comprend plusieurs petites synagogues, yéshivot, oulpanim et groupes d’étude.
Dans les années 1990, la mairie de Tel Aviv rénove ce périmètre. En 2004, la tour Lev HaIr, la plus haute des environs, y est construite. Elle abrite une bibliothèque publique, des bureaux et plusieurs commerces.
Pour découvrir Kerem Hatémanim, il faut flâner dans les rues Malan, Knafé Nésharim, Meir et Rabbi Akiba et admirer leurs ravalements. Les environs comprennent des restaurants typiques servant soupes, pains et grillades. Les boutiques d’épices y sont odorantes.
Le quartier rassemble la plus grande communauté yéménite du monde. A son côté y vivent des Ashkénazes, des Italiens et des Sépharades. Tout un monde coloré et varié qui allie avec harmonie tradition et modernité.
Andromède : le ’’Beverley Hills’’ telavivien
En 1999, la mairie lance un grand projet de rénovation de l’ancienne rade de Jaffa vieille de 5000 ans. Nommé Andromède, il fait référence à l’antiquité grecque : fille des souverains d’Éthiopie, elle aurait été attachée à un rocher pour être offerte à la mer. Le récif est toujours visible dans le port. Pour les Juifs par contre, la rade de Jaffa serait l’endroit où Jonas aurait été avalé par la baleine.
Le nouveau complexe Andromède est en fait un des vieux quartier de Jaffa donnant sur la Méditerranée, totalement rénové dans un style luxueux. Face à la mer, conçu comme un petit village dont le style ancien a été conservé, il est très pictural. Dans les ruelles dominant la mer autour de la rue du Dauphin – en semaine à midi, tout le Tel-Aviv qui travaille, des soldats aux journalistes en passant par les vieux artisans et les jeunes habitués de la rue Sheinkin, se bouscule.
Pas à proprement parler site touristique, Andromède est cependant beau à découvrir car ses caractéristiques paysagistes comprennent des jardins en terrasse, des pergolas, des éléments aquatiques intégrés à l’aménagement. Ses allées pavées, ses arches, ses fontaines, ses majestueux palmiers et sa végétation ornementale en font une promenade merveilleuse, surplombant le port ravalé et offrant un beau panorama de Jaffa. Y déambuler permet de découvrir l’architecture du complexe, entre modernité, luxe et style méditerranéen.
Au bord du vieux port, le quartier propose aujourd’hui des résidences somptueuses (du studio au penthouse) faisant aussi bien office d’appartements (achat ou location vacance), d’hôtels 5 étoiles ou de pension de famille pour vacanciers. Ces nouvelles résidences sont tout confort. Elles offrent des prestations prestigieuses : piscine, salles de gym équipée et d’aérobic, solarium, salles de jeux (billard, ping-pong), auditorium (tv, dvd), café, bar, jeux pour enfants, laverie, consigne, parking, etc.
Le complexe offre aussi un centre d’affaire incluant un secrétariat, des ordinateurs, faxes et services Internet.
La ville blanche : voyage au pays du Bauhaus
Le surnom de Ville Blanche est du aux façades des maisons recouvertes d’un crépi uni blanc. Elle se délimite au sud par la rue Allenby, au nord par la rue Hayarkon, à l’est par les rues Begin et Ibm Gvirol, enfin à l’ouest par le bord de mer.
A l’époque de la 3e alya, Tel-Aviv est en plein essor. Le besoin de logement est grand. Des architectes formés en Europe, surtout en Allemagne (pays d’origine du mouvement Bauhaus) ayant immigré en Palestine pour fuir le nazisme y introduisent leur savoir faire et leur école. S’adaptant aux exigences de leur nouveau contexte culturel et géographique, ils réalisent un ensemble rare d’architecture du mouvement moderne selon un plan reflétant les principes de l’urbanisme organique : style dépouillé, sobriété et formes rationnelles carrées ou rectangulaires sans fioritures. Dans leur conception constructiviste de l’habitat, l’homme est placé au centre de la création artistique/artisanale. Les logements doivent d’abord et avant tout être fonctionnels, simples. L’asymétrie des formes géographiques, l’ouverture sur l’extérieur, les lignes droites pures, l’importance et l’orthogonalité des grands balcons ouverts et des terrasses, les cages d’escalier vitrées caractérisent ce style architectural. Certains immeubles ressemblent à des bateaux. Cet urbanisme est assez en phase avec la vision socialisante des immigrants de l’époque. Le Bauhaus entre en résonance avec l’idéal sioniste d’équité sociale et de revitalisation du peuple juif comme ancrage idéologique des utopies européennes au Proche-Orient. Jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, les Juifs allemands importent des matériaux de construction de leur pays d’origine (persiennes, carrelages). Ainsi, ce quartier unique construit entre le début des années 1930 et les années 1950, est principalement le fruit des architectes Arié Sharon, Yosef Neufeld, Ze’ev Rechter, Sam Barkai et Genia Averbuch. La plus grande concentration de bâtiments Bauhaus se trouve sur les boulevards Ibn Gvirol, Dizengoff, Ussishkin, Nordau, Rothschild ainsi que dans les rues Nachmani et Montéfiore.
La ville blanche de Tel-Aviv est la synthèse exceptionnelle des diverses tendances du mouvement moderne en matière d’architecture et d’urbanisme au début du XXe siècle. Adaptées aux conditions culturelles et climatiques d’Israël, ses influences ont été intégrées aux traditions locales.
Tel-Aviv compte aujourd’hui 4.000 bâtiments de style Bauhaus dont 1.100 classés monuments historiques. En 2003, l’UNESCO a déclaré ce trésor architectural au patrimoine mondial car il représente le plus grand ensemble d’édifices Bauhaus au monde. Cette année pour le centenaire de Tel-Aviv (1909-2009), un important programme de réhabilitation de cet héritage monumental a été entrepris. Pour les curieux, le Centre Bauhaus (créé en 2000) organise une très intéressante visite de ce « musée à ciel ouvert » des tendances du mouvement moderne en architecture et en urbanisme et présente aussi des expositions.
Noémie Grynberg 2009