Adolph William Schwimmer, fondateur de l’Armée de l’Air et des Industries Aéronautiques d’Israel

srael n’aurait pas gagné la guerre des Six jours de façon si fulgurante s’il n’avait pas disposé d’une aviation performante. En effet, l’Etat hébreu doit son aéronautique à Adolph William (Al) Schwimmer. Non seulement il est le fondateur d’Israel Aircraft Industries (IAI) dans les années 50, mais c’est surtout grâce à son audace que le jeune Etat juif a pu se constituer une flotte aérienne militaire et civile. Un destin hors du commun pour cette figure légendaire d’origine américaine.

Adolph William Schwimmer nait en 1917 à New York, de parents émigrés d’Europe de l’Est. Il grandit dans la pauvreté et un environnement pas spécialement sioniste. Lycéen, il travaille comme apprenti mécanicien d’avions pour aider sa famille. Ce qui déclenche son intérêt pour l’aéronautique qu’il étudie après le bac. Le jeune homme devient ingénieur de vol et mécanicien de maintenance, tout en passant une licence de pilote. Avec la crise économique qui frappe les Etats-Unis dans les années 30, Schwimmer déménage en Californie pour trouver du travail. Il commence comme inspecteur de vol dans plusieurs grandes compagnies dont la TWA.

Durant la Seconde Guerre mondiale, l’aviateur sert dans la US Air Force en tant que Commandement du transport aérien. Il effectue ainsi des missions en Europe et même en Palestine. A la fin de la guerre, il est décoré pour sa « débrouillardise et son courage ». Une visite au camp de Bergen-Belsen en Allemagne rapproche Schwimmer du judaïsme et fait naitre en lui l’idée du sionisme.

En 1947, le pilote est contacté par la Haganah qui lui demande de l’aider pour l’immigration illégale en Palestine des réfugiés juifs d’Europe.

A la création de l’État hébreu en 1948, Schwimmer co-fonde les Forces aériennes israéliennes naissantes. Après quoi, il crée la société Bedek Aviation qui deviendra la future Industrie Aéronautique d’Israël (IAI) qu’il dirigera pendant plus de 20 ans, avant de devenir conseiller spécial auprès du gouvernement.

Pionnier de l’aviation israélienne

En 1947, les Juifs de Palestine sous mandat britannique approchent Schwimmer pour les aider à obtenir des avions américains afin de constituer une flotte aérienne. Le vétéran de 1945 utilise donc ses nombreux contacts parmi les pilotes et l’industrie aéronautique, notamment des anciens combattants juifs de la Seconde Guerre mondiale, pour transférer des avions en Israël malgré l’embargo imposé par les Etats-Unis.

Afin de contourner le blocus américain sur l’armement, il crée deux sociétés (Schwimmer Aviation), l’une basée en Californie, l’autre au Panama. Par ce biais, il achète secrètement aux Etats-Unis 3 quadrimoteurs de ligne à hélices Lockheed Constellations usagés, ainsi que des surplus militaires de la guerre (4 bombardiers lourds B-17, 10 appareils de transport bimoteurs Curtiss C-46 Commando et un Douglas C-54 Skymasters ainsi que deux chasseur P- 51 Mustang), les rénove et les modifie.

Schwimmer transfère illégalement par pont aérien la flotte en Israel via la Floride, le Brésil, le Sénégal, le Maroc et la Tchécoslovaquie. Ces engins arrivés dans des conditions rocambolesques transportent également des armes. De même, Schwimmer enrôle des aviateurs pour la Haganah.

Lors de la guerre d’Indépendance d’Israël en 1948, l’Américain se porte pilote volontaire. Il devient de la sorte l’un des fondateurs du Mahal (Mitnadvei Hutz L’Aretz), qui compte 4.793 bénévoles étrangers venus de 58 pays pour aider le jeune Etat juif, au sein duquel il sert en tant que chef de la Force aérienne et ingénieur en chef de l’Armée de l’Air israélienne.

Le noyau de l’aviation de contrebande à laquelle s’ajoute l’achat légal de 25 chasseurs tchèques Avia S-199 permet au pays de se défendre contre les bombardements égyptiens et contribue à la première victoire militaire de l’Etat hébreu.

Après la guerre, « la flotte aérienne d’Al » forme le cœur de la nouvelles compagnie nationale EL AL.

Mais en 1949, l’aviateur de retour dans son pays natal doit faire face aux accusations du FBI selon lesquelles il a violé la Loi sur la neutralité des Etats-Unis en fournissant des avions à Israël. Traduit devant une cour fédérale à Los Angeles, il est reconnu coupable de trahison et condamné. On le déchoit de ses droits civils, lui interdit d’occuper un emploi fédéral et l’expulse de la US Air Force sans toutefois l’emprisonner.

Créateur des Industries Aéronautiques d’Israel

En 1951, une délégation impressionnante formée de Ben Gourion, Teddy Kollek, Yitzhak Navon et Shimon Peres, vient voir Schwimmer en personne en Californie.

Ce dernier accepte l’invitation du Premier ministre de s’installer en Israël. Il immigre et s’établit à Tel-Aviv.

Shimon Peres, à l’époque Ministre de la Défense, lui demande de créer un atelier de rénovation et d’entretien d’engins aériens. C’est alors que Schwimmer fonde en 1953 à Lod la petite compagnie Bedek Aviation, ancêtre de la Israel Aerospace Industries (IAI).

Peu à peu, l’ancien pilote-mécanicien réoriente les activités de la société vers la production d’appareils commerciaux et militaires. Par ailleurs, il crée le Département d’aéronautique au Technion de Haïfa.

Mais suite à des désaccords avec les successifs ministres de la Défense Moshe Dayan et Ezer Weizman, le Président de l’IAI quitte son poste après 24 ans passés à sa tête. A son départ en 1978, l’entreprise emploie 13.000 personnes. Aujourd’hui, fleuron de l’industrie israélienne, elle en compte 30.000 et produit missiles, avions de combat, drones, radars et satellites.

Dans les années 1980, Schwimmer devient bénévolement conseiller en technologie et en industrie auprès de son ami proche, le Premier ministre Shimon Peres. En 1986, il est impliqué dans l’Irangate mais le gouvernement israélien bloque les tentatives des États-Unis de l’interroger sur l’affaire.

En 2001, l’ex aviateur américain obtient l’amnistie du Président Bill Clinton pour son rôle dans la contrebande d’avions à Israël cinq décennies plus tôt. Schwimmer déclare qu’il n’a jamais sollicité formellement de pardon parce qu’il ne regrette pas son acte.

Durant sa longue carrière, l’aéronaute est lauréat de nombreuses récompenses et titres de prestige : Docteur honoraires en Sciences techniques du Technion, prix Herzl pour son concours à la sécurité de l’Etat, Médaille des combattants, entre autres.

Consécration, le fondateur de l’Armée de l’Air et des Industries Aéronautiques reçoit en 2006 le Prix Israël, la plus haute distinction du pays, pour sa contribution capitale à la Nation.

Schwimmer décède en 2011, le jour de son 94e anniversaire, à l’hôpital Tel Hashomer. Grace à son talent, Israel est devenue une puissance aéronautique et spatiale performante reconnue de par le monde.


Noémie Grynberg / israel Magazine 2017