La notion de genre est devenue un concept de plus en plus utilisé. Aujourd’hui, elle s’applique également au domaine médical. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnaît en effet elle-même explicitement que le genre influe sur les malades.
Dans le passé, le monde médical pensait que biologiquement, femmes et hommes s’équivalaient. Selon cette logique, longtemps les premières ont été traitées de la même manière que les seconds pour une même pathologie. Or, la neutralité et l’universalité du savoir scientifique se sont trouvées questionnées lorsqu’il a été établi que les résultats des recherches cliniques, menées essentiellement sur une population masculine, ne pouvaient pas se transposer sur une population féminine puisque, dans certains cas, cette dernière ne présente pas les mêmes symptômes et/ou ne répond pas de manière similaire aux traitements. L’approche de la ‘’médecine de genre’’ s’avère donc un domaine émergent. Et les observations se préoccupent dorénavant de mieux évaluer les différences physiologiques entre femmes et hommes.
Ces dernières années, des études confirment ces inégalités dans les symptômes de nombreuses maladies. Les troubles se développent autrement, leurs manifestations se singularisent ainsi que les réactions aux médicaments et aux traitements. Effectivement, les deux systèmes corporels, bien que similaires en termes d’organes, fonctionnent très distinctement en pratique. La biologie déterminerait donc les formes de pathologie. Ce qui signifie que les femmes et les hommes répondent diversement à plusieurs types d’affections et développent des défenses très dissemblables à leur sujet, notamment concernant les troubles cardiaques. Chaque genre souffre donc variablement et nécessite par conséquent des soins discernés.
Ainsi, la médecine reconnaît actuellement qu’il existe des dissemblances entre le corps des hommes et celui des femmes en matière de santé. Cette idée révolutionnaire aux multiples facettes qui intègre les aspects de la biologie, de la sociologie, de l’ethnicité et de la culture, imprègne peu à peu le champ thérapeutique.
Du coup, aujourd’hui une nouvelle approche clinique traite de la nécessité d’ajuster le diagnostic et le traitement au sexe des patients.
Les différences biologiques entre femmes et hommes sont significatives dans presque tous les systèmes internes, de même que pour la tension artérielle. Concernant l’appareil digestif, le rythme n’est pas identique chez les deux populations. Chez la femme, il s’avère plus lent. De plus, la structure neuro-hormonale de celle-ci se montre beaucoup plus riche en récepteurs que celui de l’homme. Tenant compte de cette variation, on constate que les femmes mettent plus longtemps à transpirer. Autres disparités : parmi les patientes, les maladies ulcéreuses, les calculs biliaires, l’intolérant au lactose et l’irritabilité du côlon semblent plus fréquents. Il a de même été constaté que chez elles, le poids augmente en fonction du nombre de calculs biliaires. Par contre chez les hommes, calculs biliaires et obésité ne s’avèrent pas corrélés.
Par ailleurs, autant les maladies cardiaques restent identifiées au genre masculin, autant la dépression est associée au féminin. Les femmes présentent de nombreuses autres spécificités dont il faut tenir compte dans la prise en charge médicale qui doit s’y adapter. Par exemple, pour une même pathologie, les patientes avouent souffrir 20% de plus que les hommes. On sait aussi notamment que les maladies liées à des douleurs chroniques subsistent bien plus chez les femmes. De leur côté, les sujets mâles peinent à décrire leurs maux. Moins conscients de leur réel état de santé, ils consultent moins et finissent davantage aux urgences.
Alors pourquoi la médecine ne s’est-elle pas penchée plus tôt sur le problème ? Les praticiens s’interrogent. En fait, l’institution médicale demeure encore passablement phallocentrique. La majorité des connaissances s’appuie sur des recherches menées sur les hommes. Ainsi, certains médicaments sont testés uniquement auprès d’un panel masculin avant de recevoir l’autorisation de mise sur le marché. Et la médecine traite les femmes suivant la supposition que le genre n’influe pas. Or, il n’existe pas d’étude sur la réaction physiologique féminine à propos de ces mêmes médicaments. En réalité, les femmes souffriraient davantage d’effets secondaires, attendu que les posologies demeurent identiques pour elles et pour les hommes. Une des explications viendrait du fait que la graisse plus présente chez les femmes réagit différemment des muscles plus développés chez les hommes. Ainsi, les médicaments contre le cholestérol ont été repensés en fonction du groupe de malades.
Enfin, le traitement contre de la violence envers les femmes rentre désormais dans le cadre de cette médecine différenciée.
D’ici quelques années, toute la discipline changera de visage. Une thérapeutique ‘’de genre’’ apparaitra. Elle envisagera les femmes et les hommes sous un angle séparé aussi bien en cardiologie, qu’en dentisterie, dermatologie, endocrinologie, gastro-entérologie, gériatrie, neurologie, oncologie, ophtalmologie, psychiatrie, etc. ainsi que pour les maladies infectieuses. Ces spécialités prendront en compte le fait que chaque système morphologique se ressemble mais répond distinctement dans les faits. Mais pour l’instant, le chemin vers l’équité sanitaire homme/femme reste encore long : la reconnaissance des dissimilitudes n’est pas toujours suffisamment reconnue.
Dans cette perspective, Israël se place aujourd’hui en tête de cette révolution clinique. Ce domaine de recherche y devient très actif. Au vu de sa politique publique, le Ministère israélien de la Santé a déjà décidé d’intégrer cette nouvelle approche dans ses protocoles cliniques. Néanmoins, bien que les Israéliennes consultent 30% plus fréquemment leur médecin de famille que leur conjoint, elles restent moins bien diagnostiquées que les hommes. Ainsi, elles semblent encore victimes des discriminations médicales.
Noémie Grynberg 2012