Betar : grandeur et défaite du peuple juif

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Citée dans le Talmud, la Guémara, la Mishna, mentionnée par le Maharal de Prague, le Gaon de Vilna, Maimonide, la ville de Betar est hautement symbolique dans l’histoire juive. Elle figure même dans certaine prières comme signe de rédemption et de Guéoula. Que s’est-il donc passé dans cette forteresse il y a 2000 ans pour revêtir une telle importance ?

Il y a 2000 ans, la cité de Betar, petite ville de Judée située au sud de Jérusalem, construite à la période du 2e Temple, était la fierté de la nation juive. Ses fortifications, symbole de défense et de force, étaient l’expression  de l’existence d’une nation stable.

Où la légende et l’histoire s’enchevètrent

La Guémara raconte qu’à Betar on plantait un cèdre pour célébrer la naissance d’un garçon et un pin pour celle  d’une fille. L’arbre planté à cette occasion devait servir plus tard pour la construction de la houpa du benjamin. Jadis, la fille d’un empereur romain ordonna de couper plusieurs cèdres pour réparer son char cassé, suscitant par là une violente réaction de la part des habitants de Betar. C’est ainsi que la guerre contre Rome éclata et que la ville fut détruite.Betar devint alors le centre de la révolte juive contre le puissant empire romain qui gouvernait et imposait sa loi à la Judée.

Cinquante deux ans après la destruction du second Temple, une importante armée juive se massa dans la ville. Bar-Kochba, de son vrai nom Simon Bar Koziba, descendant de la dynastie hasmonéenne devint le chef de la seconde révolte juive de 132 à 135 de l’ère vulgaire. Basé à Betar, il conduisit une armée de 400.000 imposants guerriers Juifs craignant D’ (ils portaient les tefilin au combat) qu’il lança contre les légions de l’envahisseur.

L’ultime résistance eut donc lieu à Betar. Julius Severus, un habile général de Rome, prépara le siège de Betar pendant 1 an, en vain .

La légende raconte la véritable raison pour laquelle le général romain Hadrian, malgré un siège de 3 ans et demi (qu’il était d’ailleurs près à abandonner), ne put cependant pas entrer dans la ville. Un jour, un Cuthite (ennemi des Juifs) s’approcha de lui et lui révéla le secret de la défense de Betar : un sage du nom de Rabbi Elazar de Modi’in (l’oncle de Bar Kochba et grand pontife), était assis, vêtu d’un sac et priait D’. Le Cuthite confia également à Hadrian son plan pour conquérir Betar. Le Cuthite s’arrangea pour faire entrer dans la ville le général romain, puis il rechercha Rabbi Eleazar. Lorsqu’il trouva le sage, absorbé par la prière et oublieux de ce qui se passait autour de lui, le Cuthite, à l’insu de Rabbi Elazar, vint vers lui et prétendit chuchoter à son oreille. Cette scène qui eut pour témoins les gardes de Bar Kochba, éveilla leur suspicion. Ils rapportèrent à leur chef : "ton oncle Rabbi Elazar complote pour livrer la ville." Aussitôt Bar Kochba fit chercher le Cuthite. Après interrogatoire, celui-ci dit à Bar Kochba que Rabbi Elazar prétendait être prêt à livrer la ville. Bar Kochba s’en fut immédiatement voir Rabbi Elazar et lui rapporta les accusations du Cuthite. Quand Rabbi Elazar nia n’avoir jamais eu pareille conversation, Bar Kochba devint furieux, et tua sur le champ Rabbi Elazar à coups de pieds. Peu après la mort de Rabbi Eleazar, la ville de Betar fut prise. C’est là que Bar Kochba tomba et fut tué, sa tête fut présentée à Hadrian. Ce dernier avoua que si D’ n’avait pas permis la défaite de Bar Kochba, il n’aurait jamais été capable de réprimer la révolte.

La ville de Betar fut conquise et sa grande forteresse détruite. 580.000 Juifs périrent à Betar sous les coups des légions romaines. D’après le Gaon de Vilna, l’armée romaine qui envahit Betar surprit les Juifs pendant leur prière. 80 000 Romains entrèrent dans Betar et massacrèrent la population en égorgeant hommes, femmes, enfants jusqu’à ce que le sang coule des porches et des égouts.

Historiquement, c’est le 9 Av que cette tragédie frappa notre peuple. La chute brutale de Betar entraîna la fin de la révolte de Bar Korba. La ruine de cette ville-symbole marqua la défaite finale et définitive  de la révolte juive en août 135, soit il y a 18e siècles, réduisant à néant, après une longue campagne, la résistance menée par les Maccabim, trois ans auparavant.

Et comble d’horreur et d’outrage, Rome refusa aux survivants le droit d’enterrer leurs défunts, les privant ainsi d’une mort honorable. Les corps furent laissés sur place. Quand les restes des martyrs de Betar furent enfin découverts, ils reçurent un enterrement convenable, conforme à la tradition juive.

Cet événement tragique est rappelé dans la quatrième et dernière bénédiction du Birkat Hamazon (action de grâce récitée après chaque repas), après celle de la reconstruction de Jérusalem. Elle fut introduite après la défaite de Bar Kochba et la chute de Betar, comme signe de rédemption et de Guéoula par les sages rassemblés alors à Yavneh, dont Rabbi Akiva. Ils ordonnèrent la récitation du « birkat hatov vehametiv«  en guise de déclaration de fierté envers les martyrs assiégés dans la forteresse. Malgré les insurmontables difficultés auxquelles ils firent face pendant un an de privation et de pillage, ces combattants ne se conduisirent jamais de façon lâche ou dégradante, ni ne salirent le nom d’Israel. Ils se battirent et moururent comme des lions, chacun d’entre eux – homme, femme, enfant.

Ainsi prit fin, dans l’histoire juive, un des chapitres du suprême héroïsme hébreu, tant physique que spirituel.

Des cendres à la renaissance

La terre demeura désolée pendant près de 2000 ans, jusqu’en août 1980 où le gouvernement d’Israël décida de rétablir une présence juive sur ce site.Situé aujourd’hui dans le Goush Etzion dont il est devenu la capitale, sur l’ancienne ligne d’armistice de 1949, le récent site de Betar, divisé en 3 villes nouvelles, fut construit en 1989 autour de villages arabes. Les plans d’aménagement comptent de nouvelles étendues et structures d’agrandissement et d’élargissement de ces implantations. Ces 5 dernières années, la ville s’est agrandie de 130 % et la population a doublé. La plupart des nouveaux habitants viennent de Jérusalem et de Bné Brak car la ville est principalement orthodoxe. Près de 20.000 âmes y vivent aujourd’hui, soit 3.200 familles. La ville dispose de toutes les infrastructures modernes : transports, commerces, écoles, synagogues, services administratifs divers. La sécurité de la ville est assurée par l’armée. Tout autour de la ville, sur les collines, une forêt a été plantée.

A la veille de la commémoration du 60e anniversaire du soulèvement du Ghetto de Varsovie, cet esprit de lutte pour l’honneur, sans espoir de victoire, reste le symbole du courage juif. C’est l’exemple de Betar qui anima les résistants de Varsovie, autre emblème d’un combat inégal. Ils se résolurent à se battre et à mourir comme des lions, fières, les armes à la main comme leurs illustres prédécesseurs.

La prophétie indique que les blessures de Betar seront guéries lorsque Jérusalem sera entièrement reconstruite pour son peuple.

Heureux aujourd’hui sont ceux qui voient s’accomplir sous leurs yeux cette prédiction !

 

Israel Magazine / Noémie Grynberg 2002